"Messieurs les conseillers, l'heure est grave, je vous écoute!" |
Les micros du bureau de l'Elysée font de nouvelles révélations que Saucisson-Pinard a le plaisir de partager avec ses lecteurs.
Cela remonte à quelques jours à peine. Il semble que Macreux soit à cette occasion, en présence de quelques conseillers en communication.
- Messieurs, l'heure est grave. Voilà que le populo s'émeut de cette altercation entre un Tchétchène et un prof de collège à Conflans-Sainte-Honorine. Plus grave encore, il semble que les médias et la classe politique s'en émeuvent aussi !
- Si je peux me permettre, Monsieur le Président, vous devriez bannir de votre vocabulaire, en cette circonstance, le mot « altercation ». S'il vous plaît, n'employez pas non plus le terme « incivilité », ça pourrait indigner la fachosphère qui en ferait ses choux gras... Il s'agit d'une décapitation, tout de même !
- Oui, oui, je ferai attention, se reprend Macreux, agacé. Mais je sens qu'il faut que je fasse quelque chose, que j'agisse! J'attends vos suggestions.
- Vous pourriez, pour commencer, sanctionner les décideurs qui ont accordé le droit d'asile à ce Tchétchène.
- Ouais, bof, répond Macreux, visiblement peu enthousiaste.
- On pourrait arrêter le regroupement familial. Supprimer le droit du sol. Faire que le droit d'asile soit une mesure d'exception. Imposer que les demandes d'immigration soient faites dans les ambassades françaises des pays d'origine des demandeurs et non sur le territoire français, suggère un conseiller qui semble plein d'imagination.
- On pourrait expulser systématiquement tous les migrants illégaux ! propose un autre conseiller.
- Vous pourriez expulser dans leur pays d'origine tous les prisonniers de droit commun n'ayant pas la nationalité française, continue un troisième conseiller sur cette lancée.
- C'est sûr que ça ferait de la place ! concède Macreux. Autre chose ?
- Vous pourriez déchoir de la nationalité française tous les immigrés refusant visiblement l'assimilation à la culture française !
Un conseiller enchaîne:
- Dans le même esprit, vous interdisez le principe de la double nationalité ! L'immigré a le choix entre la nationalité française qui, naguère, lui a été balancée comme on jette un quignon de pain à un canard, ou sa nationalité d'origine.
- Et à partir de ce moment-là, on accorde juste un titre de séjour temporaire à tous ceux qui choisissent leur nationalité étrangère, ajoute une autre voix.
- Titre de séjour révocable à la première incartade, reprend le conseiller précédent.
Macreux s'inquiète :
- Et qu'est-ce qu'on fait en cas de révocation de titre de séjour ?
- Ben, on expulse, évidemment ! répond le conseiller.
- Et si le pays d'origine refuse de reprendre son ressortissant ?
- S'il a son passeport, on voit mal comment le pays qui a émis ce passeport pourrait refuser son ressortissant !
- Et si le prisonnier ou le débouté de titre de séjour refuse de montrer son passeport, ou refuse de donner sa nationalité d'origine? Je pense aux immigrés clandestins, par exemple? insiste Macreux.
- On ne dit pas « immigrés clandestins », Monsieur le Président, on dit « migrants illégaux » corrige un conseiller.
- Oui, bon, mais qu'est-ce qu'on fait de tous ceux-là ?
- Pas difficile. On construit un centre pénitentiaire, un bagne, quoi, dans l'archipel du Crozet ou aux Kerguelen. Et on dit aux récalcitrants : « Vous voulez rester en France ? Soit. Votre condamnation sera donc exécutée en France : au Crozet ou aux Kerguelen. Sans droit de visite, ni téléphone. Croyez-nous, ça serait dissuasif !
- Hum hum, soupire Macreux dubitatif.
- Vous pourriez au moins fermer les centaines de mosquées salafistes ! propose une voix, conciliante, qui ne s'était pas fait entendre jusque là.
- Et expulser tous les imams étrangers, poursuit un autre. Et les Frères Musulmans.
- Ouais, ouais, rétorque Macreux. Mais les immigrés mineurs qui créent des problèmes, vous ne pouvez pas leur infliger l'application de vos suggestions ! Qu'est-ce qu'on en fait ?
- On pourrait commencer par retirer toute aide sociale et allocation à leurs parents. Et pourquoi pas à toute la famille, histoire que les responsables de l'éducation de ces mineurs aient la pression pour surveiller enfin leur progéniture. Si les parents claquent du bec en fin de mois, sans doute commenceront-ils à mettre bon ordre dans l'éducation de leur descendance. Ou décident de rentrer au pays, où la vie est moins chère... Et on est gagnant dans toutes les hypothèses !
Un long silence s'installe dans le bureau, après toutes ces suggestions du pôle communication du locataire élyséen. Décidément Macreux ne semble pas emballé.
Tout à coup, une nouvelle voix s'exprime :
- Et si vous faisiez un discours, plutôt, Monsieur le Président ?
- Ah ça, ça me plaît. Continuez ! s'enthousiasme Macreux.
- Vous pourriez faire un discours à l'occasion d'un hommage rendu au prof décapité. Un bon vieux discours plein d'empathie ! Dans un beau cadre, bien symbolique, style la Sorbonne. Du solennel, avec des silences entre chaque phrase et tout et tout ! Avec de l'émotion dans la voix, où vous mettriez en exergue le professeur qui, en France, est « le visage de la République », visage « qui enseigne la République » et patin couffin!
- Ah ? Et le prof qui exerce dans une monarchie, comme en Grande Bretagne, en Suède, au Danemark ou en Belgique par exemple, il enseigne quoi, lui ? demande Macreux un peu interloqué.
- On s'en fout, Monsieur le Président, c'est juste une occasion de placer le mot « République ». Vous savez qu'on aime bien s'en gargariser, ici. Et ça évite de parler de la Nation France !
- Aaaaah d'accord ! comprend enfin Macreux. Oh oui, je le sens bien, ce discours ! C'est un rôle pour moi, ça : de l'émotion dans la voix, de la solennité. Vous me l'écrirez, ce discours, ajoute-t-il à l'intention du conseiller ayant parlé en dernier.
Puis se tournant vers la Trogneux, dont on identifie plus tard la voix au moment de sa réponse :
- Tu me feras répéter, maman. Tu sais, comme lors des cours de théâtre que tu me donnais quand j'étais en culotte courte !
A l'intention de sa secrétaire Martine:
- Pour tenir un rôle de
cette envergure, je vais avoir besoin d'une bonne dose de sucre
glace ! Vous veillerez à son approvisionnement.
- Du sucre glace, Monsieur le Président ? demande la secrétaire surprise.
- Oui, du sucre
glaaaaaaace, Martine ! insiste Macreux, impatient.
- Ah oui, bien sûr, comprend enfin la secrétaire. Du sucre glace !
- Oui, mais tu feras attention à ne pas trop te toucher le nez en jouant ton rôle, soupire la voix de la Trogneux. Ça commence à se voir quand tu prends du sucre glace !
Et ainsi fut fait. Sauf le conseil de la Trogneux sur les tics gestuels de Macreux, qui a visiblement été oublié.
Bon, c'est pas le tout : il faudrait aussi s'occuper du Liban, de la Biélorussie, du Nagorny-Karabakh, j'en passe et des meilleurs.
RépondreSupprimerJe verrais bien aussi un voyage en Chine pour défendre les Ouighours, avec retour par la Birmanie pour les Rohyngias. C'est bien pour ça qu'il a été (triomphalement) élu, non ?
Vous pensez bien qu’un petit pays comme la France n’est pas à la mesure d’une telle compétence! Le monde est juste assez grand pour notre Jupiter.
SupprimerOui, il est certain qu'un beau discours fait toujours son petit effet, comme ça il sera tranquille, Macreux, jusqu'à la prochaine fois...
RépondreSupprimerAmitiés.