Cette semaine a vu
l'extraordinaire démonstration de la déconnexion du microcosme
politico-médiatique des vraies préoccupations du vulgum pecus qui
est supposé l'élire ou le lire. La fameuse affaire de Volkswagen et
sa tricherie sur la présentation des émissions d'oxyde de carbone
de ses véhicules monopolisent jour après jour, la une des journaux, les éditos écrits ou parlés, les déclarations des politiques, et engendrent les inévitables et
habituelles gesticulations vaines de notre cruche du ministère de
l'écologie, dans un brouhaha fiévreux ponctué de cris d'orfraie,
et de glapissements scandalisés de nonnes qui assisteraient à une
projection de film porno dans leur couvent.
Alors bien sûr, la
tromperie sur les chiffres que se doivent d'afficher les
constructeurs automobiles est répréhensible et elle doit être
sanctionnée. Mais y-a-t-il pour autant matière à une telle
stupéfaction feinte? Les journalistes et les politiques se faisant
conduire par leur chauffeur sont-ils les derniers à croire encore
que lorsque un constructeur affiche 5 L au cent de consommation
moyenne, c'est effectivement ce que l'acheteur constatera dans
l'utilisation quotidienne de son véhicule ?
Quant aux émissions de
gaz supposés à effet de serre, qui s'en préoccupe vraiment au
moment de l'achat, si ce n'est uniquement dans la perspective
purement économique de l'attribution d'un malus ou d'un bonus ?
Très franchement, il faudrait qu'un jour, quelqu'un se dévoue pour
frapper sur l'épaule de nos « zélites » médiatiques et
politiques et leur susurre à l'oreille : « hé pépère,
tu sais que ton taux d'émission de CO2, l'homme de la rue s'en
tamponne le coquillard avec un tibia de langouste ?* »
D'abord parce que le
vulgum pecus est dubitatif – et a raison de l'être- sur son rôle
supposé dans le prétendu réchauffement climatique. Ensuite parce
qu'il raisonne toujours d'un point de vue individualiste – et c'est
humain- en se disant que si « les autres » font des
efforts de limitation de pollution, ça doit pouvoir lui permettre,
lui, de se faire plaisir sans s'encombrer de scrupules
pseudo-écologistes.
Ensuite, quand bien même,
dans un ultime sursaut de conscience citoyenne née du matraquage
écolo-médiatique quotidien, l'acheteur se décidait à inclure dans
ses critères de choix du véhicule de ses rêves le taux de CO2
émis, ce dernier interviendrait loin, très loin, derrière les
autres : prestige ou réputation de la marque, confort, plaisir
de conduite, allure, image, praticité, économie d'utilisation, prix
etc... En conséquence, il faudrait qu'en fin de comparaison, deux
véhicules soient strictement à égalité sur tous les plans, pour
que le seul critère d'un taux bas de CO2 intervienne et fasse
pencher la balance de l'acheteur indécis pour un véhicule plutôt
que l'autre; hypothèse hautement improbable.
Quand un joueur chanceux
se voit bénéficier d'un gros lot à l'Euro-millions, ne laisse-t-il
pas tomber immédiatement sa Twingo économe et heureuse bénéficiaire
d'un bonus écologique pour une superbe Porsche Cayenne huit
cylindres frappée d'un malus et consommant (officiellement...!) 16 L
au cent, comme si sa supposée conscience écologique s'évanouissait
en même temps que ses dettes ?
Pourquoi la luxueuse et
très chère mais écologique Tesla électrique a-t-elle autant de
succès en Norvège, pays réputé pour sa conscience
écolo-responsable ? Simplement parce que les aides économiques
d'Etat qui accompagnent son acquisition, la mettent au même prix
que ses concurrentes essence prestigieuses : Ferrari, Mercedes,
Aston Martin ou autres Maserati. (Et aussi parce que ses acquéreurs
n'envisagent pas de faire sans longs arrêts-ravitaillement des voyages dépassant
les cinq cents kilomètres...)
Dès lors que le CO2
n'est pas une préoccupation du vulgum pecus, à quoi rime la portée
médiatique du scandale de cette tricherie de Volkswagen ?
N'est-elle pas outrageusement amplifiée, artificiellement hissée à
la hauteur des obsessions purement personnelles d'un microcosme qui
s'arroge à tort la croyance de représenter les préoccupations du
plus grand nombre ?
Le monde économique,
quant à lui, participe mollement à la grand messe
politico-médiatique en sacrifiant le PDG de Volkswagen sur l'autel
d'une retraite à peine anticipée, mais non sans le voir partir
tailler ses rosiers avec un très confortable pécule. Il y a des
limites au sacrifice public, quand même !
D'ailleurs, Volkswagen
n'est pas inquiet. La firme allemande sait parfaitement que cette
affaire aura sur l'acheteur-cible de la marque un effet parfaitement
négligeable. Comme le disait très élégamment Chirac, elle lui en
touche une, sans faire bouger l'autre... Le constructeur allemand ne
croit pas, en son for intérieur, que des chiffres intentionnellement
faussés d'émission de CO2 soient de nature à précipiter ses
acheteurs potentiels dans les bras de Renault ou Peugeot. Les médias
le constateront peut-être dans quelques mois et s'ils le font
savoir, se garderont bien de reconnaître a posteriori qu'une fois de
plus, ils auront fait une tempête d'un pet de mouche.
Le lecteur électeur se
demandera néanmoins si l'incroyable coïncidence de l'émergence
dans les médias de ce simili-scandale à portée écologique, à
deux mois de l'ouverture de la vertueuse fiesta COP 21, bouée de
sauvetage à laquelle s'agrippe désespérément notre
présidenticule, est totalement fortuite...
* Expression
authentiquement vintage que les antiquaires s'arrachent à prix d'or.
Cadeau de Saucisson-Pinard.