Un enfant de 4 ans se
trouve suspendu à un balcon par les bras. Un monte-en-l'air grimpe
le long de la façade de l'immeuble, étage par étage, jusqu'à
l'enfant, le récupère et le met à l'abri. Voici « l'incroyable »
scène de sauvetage à laquelle tous les médias nous ont convié
d'assister, images vidéo, interviews et témoignages à l'appui, à
longueur de Unes de presse écrite et de journaux télévisés.
Pour le coup, la race et
la nationalité du « Spiderman » sauveteur sont largement
mentionnées. Quand un étranger non-blanc est impliqué dans un
fait divers moins reluisant, les médias se montrent d'ordinaire
beaucoup moins précis dans leur description. Mais là, c'est
formidable, c'est un Noir Malien.
Autre coup de chance,
Spiderman est un clandestin, pardon, un migrant sans papier. Nos
médias bien-pensants ont alors recours, une fois n'est pas coutume,
à une pratique qu'ils dénoncent régulièrement : l'amalgame.
« Vous voyez bien, bande de Français racistes, que les
migrants sont une exceptionnelle chance pour la France ! »
est en gros le message distillé et suggéré à longueur de temps
d'antenne et de lignes d'éditoriaux.
D'ailleurs, il y en a un
qui n'a pas perdu de temps à exploiter cette « incroyable »
opportunité, c'est Macreux l'Oreillette. Jugez plutôt : la
scène s'est déroulée samedi soir. Le lundi, Mamoudou-Spiderman
était reçu à l'Elysée, naturalisé dans la foulée, et promis à
une carrière de pompier. Enlevé, c'est pesé. En 48 heures chrono. Si ce
n'est pas de la réactivité, on ne sait pas ce que c'est...
Oui, naturalisé. Pas
seulement « régularisé », mais directement doté de la
nationalité française. On pensait que pour se voir attribuer un
passeport français, il fallait au moins savoir parler français,
mais apparemment, à entendre le témoignage approximatif de Mamoudou
de ses exploits, incompréhensible sans sous-titre, le niveau requis
de connaissance de la langue ne brille pas par son exigence.
Mais bon... Admettons.
Que voulez-vous, quand on
tient un héros capable d'un sauvetage aussi incroyable, on ne reste
pas insensible. « Incroyable » est d'ailleurs l'adjectif
le plus couramment utilisé par nos médias et, pour une fois,
Saucisson-Pinard, le trouve parfaitement justifié. La scène est
effectivement tout à fait incroyable.
On a d'abord la chance
d'avoir un film de l'exploit. S'il y avait pour chaque scène de fait
divers, quelqu'un à disposition pour filmer, les enquêtes de police
s'en trouveraient largement facilitées. Dans ce cas précis, il y
avait ce quelqu'un, et c'est déjà formidable.
Que faisait ce petit
garçon de 4 ans suspendu à son balcon, comment en était-il arrivé
là, on ne sait pas, la couverture médiatique n'est pas allée
jusqu'à en chercher les raisons. Mais ce qu'il y a de sûr, c'est
que le bambin est pourvu d'une force quasiment herculéenne pour son
âge. Essayez donc de demander à votre petit garçon de 4 ans de
rester plusieurs minutes accroché par ses mains à une bordure de
ciment à arêtes vives avec les jambes dans le vide. S'il y arrive,
une carrière chez Pinder s'offre à lui.
A la condition
supplémentaire néanmoins, qu'il ne souffre pas du vertige...
Nous avons donc à la
fois Spiderman et un petit Batman réunis dans une même scène, et
c'est vraiment "incroyable". Comme le dit un témoin proche du
caméraman et dont on entend les propos ébahis: « Sur le
Coran, j'pète un câble... ». Devant un tel spectacle, on
penserait plutôt à la Metro Goldwin Meyer qu'au Coran, mais on est
dans le 18e arrondissement de Paris, et on y a les références qu'on
peut...
On peut juste regretter
que le caméraman en question ne fût pas pourvu d'un télé-objectif,
car avec un effet de zoom, on aurait pu comprendre ce que faisaient
les deux adultes, un homme et une femme, juste à côté de l'enfant,
attendant patiemment que Spiderman arrive. Comme s'en étonne à
peine un journaliste commentateur sur France 2, « pour une
raison qu'on ignore, les voisins sur le balcon d'à côté, n'ont pas
pu agripper l'enfant ».
Bah non, ils n'ont pas
pu. Et on ne sait pas pourquoi... En même temps, heureusement
qu'ils n'ont pas pu, car sinon, le monte-en-l'air aurait pris des
risques pour rien...
Alors que l'opinion
publique française montre des signes de plus en plus évidents
d'inquiétude, quand ce n'est pas de colère, devant cette
immigration aussi massive qu'incontrôlée (et Saucisson-Pinard
n'écrit pas « incontrôlable » à dessein...), ce fait
divers intervient parfaitement et surtout incroyablement à propos.
Des esprits chagrins et
soupçonneux pourraient évoquer une opération de services occultes
de manipulation de l'opinion, mais cela serait vraiment méchant.
Voire bête. Bête et méchant, comme feu le journal Hara-Kiri. On
pardonnera alors cette audace à ces esprits chagrins et soupçonneux
comme on a toujours pardonné les Unes de ce journal provocateur. Il
n'y a pas de raison...
D'autres faits divers
n'ont pas eu la chance de connaître de telles retombées
médiatiques.
Prenez l'histoire de ce
jeune Marin. En novembre 2016, à Lyon, un couple s'embrasse. Des
« jeunes », qui trouvent cela probablement indécent
selon leur culture d'origine, l'insultent. Marin, jeune étudiant,
prend courageusement fait et cause pour le couple. Un peu plus tard,
Marin est suivi par les membres de cette police de la Charia
improvisée, est agressé, roué de coups. Il tombera dans le coma.
Deux ans plus tard, il assistera, encore lourdement handicapé, au
procès de son agresseur, que le Figaro aura la délicatesse de
dénommer « Lilian » pour ne pas froisser, on suppose, la
communauté dans laquelle le prénom véritable de l'agresseur figure
en bonne place parmi les plus répandus. Le lecteur du Figaro aura
traduit de lui-même son origine ethnique...
Notre Presse
bien-pensante ne s'était pas, à l'époque, trop appesantie sur le
fait divers. Autant on sait que Mamoudou-Spiderman est noir et Malien,
autant on est censé ignorer que l'agresseur de Marin est maghrébin.
Et le courage de Marin
l'avait laissée bien indifférente. Il faut dire que, contrairement
à l'histoire de notre acrobate malien, celle de Marin souffrait de
plusieurs handicaps.
D'abord, il ne s'était
trouvé personne pour filmer la scène. Pas de chance.
Ensuite, Marin n'avait
pas à gagner la nationalité française, il est Français de
naissance. Pas de chance.
Marin est, en plus,
summum du culot, un « mâle blanc », donc doté d'un
statut à fustiger, selon le système de valeurs macronien. Cette
expression « mâle blanc » est d'ailleurs amusante.
Macreux l'a à nouveau utilisée en toute décontraction pour dire
récemment qu'un « plan banlieue » ne devrait pas être
proposé par un Français de souche. En d'autres termes, « Borloo,
circule, t'as pas la bonne couleur de peau ! ».
Saucisson-Pinard attend avec impatience que notre Macreux nous évoque
les « femelles noires », car s'il y a des mâles blancs,
il doit bien y avoir des femelles noires, non ?
Bref, le cas Marin
n'avait rien pour attirer autant l'intérêt des médias que notre
cas Mamoudou. Sans doute pas assez « incroyable » à leur
goût...