Cher militant socialiste,
A l'occasion de ces
universités d'été du parti socialiste, c'est avec beaucoup de
compassion que je m'adresse à toi, fidèle et jeune militant PS.
J'ai pris connaissance
comme toi, des dernières nouvelles concernant le gouvernement de ton
président, et je voudrais, par cette missive, tenter de te remonter
le moral.
Je me souviens avec quel
enthousiasme tu avais vécu le résultat de la dernière élection
présidentielle. Tu étais place de la Bastille, monté sur l'embase
de la colonne, au milieu de tes camarades des jeunesses socialistes
et de sympathisants comme Mamadou, Mohamed, Aziz et Fofana et
d'autres, exultant, scandant « HOL-LAN-DE HOL-LAN-DE ».
Ta joie n'avait d'égale que celle que tu éprouvas lors du discours
du Bourget de ton candidat, quand il lança d'un ton Jauressien
son fameux: « mon véritable adversaire, c'est le monde de
la finance ! » Que c'était beau, que c'était grand !
On allait donc voir ce
qu'on allait voir. Cette crise économique allait être d'autant plus
facilement surmontée qu'elle tenait du fantasme et de l'excuse
sarkozyste. Une fois que François aurait réglé leur compte, à la
Finance et au Patronat, les lendemains allaient chanter de nouveau.
Tout commença selon tes
rêves les plus fous. Ton président prenait le train comme un
banlieusard ordinaire, loin du bling bling de son prédécesseur. Il
fréquentait les plus grands de ce monde, incarnant un socialisme à
la française resplendissant, et donnait des leçons de normalité
socialisante à un public de dirigeants internationaux médusés.
Qu'est-ce que tu étais fier !
Et ton premier
gouvernement : un rêve ! Un rêve d'alliance des partis de
gauche, avec notamment les écolos, incarnés par la présence de
pointures comme Duflot, ou Batho.
Et puis tu as applaudi
des deux mains à la nomination d'une Noire indépendantiste
guyanaise au ministère de la Justice : les victimes allaient
enfin trouver soutien, compassion, compréhension et mansuétude. Je
parle évidemment des victimes de la société, celles qui sont
contraintes de ne trouver d'autres réponses aux vicissitudes de la
vie que dans les délits, crimes et viols.
Oh bien sûr, tu as un
peu tiqué sur la présence de Valls dans ce gouvernement. Un peu
suspect, ce Valls, à tes yeux. Surtout au ministère de l'Intérieur.
Mais tu as été bien vite rassuré aux premiers gazages des fachos
de la manifestation qui osait s'opposer à cette grande avancée
sociétale qu'est le mariage des homos, et que les générations
futures évoqueront avec des larmes éperdues de reconnaissance pour
ton grand président.
Tout bien considéré,
Valls avec son regard dur, et ses mâchoires serrées ne fait
vraiment pas «homme de gauche ». En tous cas, pas à côté
de ton président et son air bonhomme. Ni à côté de son premier
ministre avec son air de venir de se réveiller d'une léthargie que
seule l'assurance de savoir que tout va bien et est sous contrôle,
peut justifier. Ça, ce sont des physionomies de gauche :
tranquilles comme la force du même nom, paternelles, badines et
protectrices.
Déjà tu avais été
sensible aux premières mesures pacifistes de François qui
désengageait la France d'Afghanistan, et pour un peu, tu aurais bien
vu les bombardiers de l'armée de l'air se mettre à déverser des
pétales de roses sur les villages réinvestis par les talibans pour
leur transmettre la nouvelle que désormais, la France socialiste
ouvrait la voie à un monde nouveau, plein de bisous, de lait et de
miel.
Puis la colombe de la
paix de François commença à prendre du plomb dans l'aile avec
cette intervention militaire au Mali, puis en Centrafrique. Et il
s'en fallut d'un cheveu que la France ne s'engage à côté des
islamistes pour combattre Bachar El Hassad.
Puis, comme un coup de
tonnerre dans un ciel bleu d'été, ton président se déclara
social-démocrate ! Là, je comprends ta surprise : n'y
avait-il pas inscrit « Parti Socialiste » sur les
affiches que tu as collées toutes ces nuits de campagne électorale ?
N'y avait-il pas marqué « François Hollande, candidat du
Parti Socialiste » sur le bulletin de vote que tu as mis dans
l'urne par deux fois lors de cette année bénie 2012 ? Tu en as
été tout chamboulé. Déjà le doute s'insinua subrepticement dans
ton esprit.
Avec ton président, la
France allait retrouver dynamisme et prospérité, plein emploi et
justice sociale.
Le peuple de France
allait gagner plus, travailler moins. Là au moins, tu n'as été
déçu qu'à moitié. En effet, si tu constates que tu ne gagnes pas
plus, tu sais qu'avec 3 millions et demi de chômeurs officiels au
compteur, les Français travaillent effectivement beaucoup moins.
Tu as élu un président
qui n'aimait pas les riches, et ça, c'était de bon augure. Il
allait les faire payer, ces salauds. Et puis tu as lu ta feuille
d'impôt, et là, surprise, tu as constaté que tu étais en fait un
nanti, puisque tu allais payer bien davantage qu'avant. Ce fut pour
toi une révélation ! Dire que tu étais riche et que tu ne le
savais pas ! Ce salaud de Sarkozy te l'avait caché !
Autre chose que tu ne
savais pas. Tu ne savais pas que tu avais élu un magicien. Tu avais
les mots les plus durs, comme tout bon socialiste militant, pour la
TVA sociale de Sarkozy, impôt injuste qui étranglait les masses
laborieuses. Mais par un tour de passe-passe digne de Houdini, la
hausse de la TVA instruite par ton président était devenue juste et
solidaire. Magique !
Les couleuvres que tu
commençais à avaler à la chaîne se sont transformées en boas
quand le premier ministre de ton président fut réveillé en sursaut
et qu'il lui fut demander de quitter Matignon. Et qui vint le
remplacer ? Ce Valls, justement : ce facho déguisé en
socialiste. Tu as couru vérifier ta carte du Parti, et il t'a bien
semblé que sa couleur commençait à pâlir un peu.
Mais l'apothéose de la
traîtrise, ce coup de poignard planté dans ta fibre de gauche, fut
le remplacement de Montebourg socialiste pur jus, par Macron, ce
suppôt du milieu bancaire, qui s'est fait une fortune en quelques
mois au sein de la Finance, cet « adversaire » de
François, dans la banque Rothschild : une vraie caricature de
capitaliste au chapeau haut de forme et gros cigare.
Ce renégat n'était pas
encore complètement assis au fond de son fauteuil de Bercy que déjà,
dans un article du Point, il remettait en cause, quelle horreur, les
35 heures, cette bénédiction sociale que le monde entier nous
envie. Tu te mettrais volontiers à lui reprocher d'avoir épousé
une cougar, si tu ne te retenais pas d'être méchant à son
endroit!
Ton sang de militant
socialiste ne fait qu'un tour quand Valls ajoute l'ignominie à la
traîtrise : il jouit littéralement en savourant une standing
ovation devant un parterre de grands patrons à l'université d'été
du MEDEF. Il ose même proférer ces mots indignes : « j'aime
l'entreprise ! ».
Déjà la Presse
s'interroge, et toi avec elle : La France va-t-elle devenir une
économie libérale ? Le gros mot est lâché, et déjà tu
défailles devant le spectre.
Aussi, je comprends que,
au moment de faire ta petite valise pour te rendre à ton université
d'été du PS à La Rochelle, tu aies le cœur gros.
Je voulais te rassurer.
Tout n'est pas si noir. D'abord, Valls dit qu'il aime l'entreprise,
mais, sois tranquille, il a dit ça comme ça, histoire de ne pas
être désagréable avec ses auditeurs. D'ailleurs, peut-on vraiment
aimer ce qu'on ne connaît pas ?
Et tu verras qu'à cette
université, Valls tiendra bien vite un autre discours plus conforme
à ton orthodoxie.
De plus, Macron ne sera
pas le premier socialiste à s'être enrichi comme un vil bourgeois
capitaliste. Fabius, DSK, Cahuzac, Touraine, Sapin, Le Guen et
combien d'autres, lui disent « bienvenue au club ! »
Et enfin, la France,
économie libérale ? Un vrai libéral se mettrait à se rouler
par terre et à s'étrangler de rire (s'il est de bonne humeur) à
l'énoncé de cette hypothèse.
Franchement, tu n'as
aucune raison de t'inquiéter outre mesure. Tant que ton François
sera président, la France n'a aucune chance, sois-en convaincu,
vraiment aucune chance, hélas, de dévier de la trajectoire prise.
Et rappelle-toi bien,
quand tu as un coup de cafard qui te semble insurmontable, que la
Guyanaise est toujours ministre et que la petite Marocaine est
devenue ministre de l'Education Nationale : les intérêts du
corps électoral des banlieues du PS et le formatage des petits
Français à l'évangile socialiste (ou devrais-je dire au Coran
socialiste?) sont donc assurés pour encore quelques temps.
Bonne université d'été,
cher militant socialiste. Amuse-toi bien. Et surtout, reviens en
forme, car la rentrée va être rock n' roll !! Gros bisous.