L'entre-deux-tours
d'élection est toujours un spectacle immuable de personnages,
interviewers et interviewés, se donnant la réplique selon un rite
bien établi, dans la mise en scène désormais rodée à laquelle
cette politique moderne de show-business nous a habitués.
Dans ce théâtre
dérisoire, mais non dénué d'humour involontaire, on distingue :
Le candidat satisfait:
qu'il soit perdant ou gagnant, il est toujours satisfait.
Le perdant est content
parce qu'il aurait pu perdre de beaucoup plus. Et le gagnant est
évidemment euphorique à l'idée d'avoir convaincu cinquante
électeurs complets plus une infime portion du cinquante-et-unième, sur
les cent électeurs qui ont écouté son message.
Il y a le candidat qui
interprète. Les électeurs qui ont voté pour lui, l'ont fait pour
de bonnes raisons et ceux qui ont voté pour son adversaire pour de
mauvaises. Et les abstentionnistes auraient, à coup sûr, voté pour
lui... s'ils avaient voté.
Il y a le candidat qui
accuse réception d'un message. Il est persuadé que les électeurs
se sont concertés pour lui signifier quelque chose. L'électeur
Pierre a dit à l'électeur Paul : « bon, toi tu votes
pour ce gars-là et moi je ne vote pas pour lui. Comme ça, il va
comprendre qu'on l'aime bien tous les deux mais qu'on lui demande de faire
attention et qu'on ne lui donne pas un chèque en blanc... »
Il y a le candidat qui
explique qu'il s'explique mal. « Si vous n'avez pas voté pour
moi au premier tour, c'est parce que je me suis mal expliqué ».
Façon élégante de dire que l'électeur est un crétin qui n'a rien
compris. Ce qui est d'ailleurs probable.
Et puis vous avez les
bigots et bigotes du microcosme politiquement correct, politiciens et
journalistes, qui poussent des cris d'orfraie devant la progression
des scores du FN : Au secours, la démocratie est en danger, on
entend des bruits de bottes, les pays frontaliers vont dresser des
barbelés, la croix gammée flottera au fronton des mairies et le
jambon sera obligatoire pour tous...
Il y a les journalistes
qui maîtrisent l'art de la manipulation bien-pensante. A
l'image de ce journaleux de M6 qui s'adresse, lors d'un inévitable
micro-trottoir, au vulgum pecus de passage : « Cette
percée du FN vous inquiète-elle ? ». Puis se tournant
vers son collègue « envoyé spécial » couvrant
l'élection à Marseille, « Pensez-vous que le candidat du PS
ait des chances de rattraper son retard ? ». Inquiétude
d'un côté, chance de l'autre : tout est dans la façon de
poser les questions...
Et enfin il y a les
maîtres-chanteurs. A l'instar du responsable du Festival d'Avignon,
un dénommé Olivier Py, qui menace sur France Info : « Je
ne me vois pas travaillant avec une mairie Front National. Cela me
semble tout à fait inimaginable. Donc je pense qu'il faudrait
partir. Le Festival d'Avignon pourrait partir pour une autre ville ».
Telle est la conception de la démocratie de Py. Py toyable.
Py fait même pis. Il
ose: « J'attends un sursaut, j'observe qu'il y a eu 42%
d'abstention au premier tour, il faut se mobiliser: le combat
continue entre les deux tours ». Voilà un propos que ne
démentirait pas un candidat à l'élection. Mais Py, c'est juste un
haut-fonctionnaire, grassement payé avec les impôts de
l'électeur-contribuable, qui se permet ce propos partisan. Pas le
moins du monde effleuré par son indécence.
Exemple symbolique de
l'arrogance d'un bobo, élevé sous les lambris dorés du Pouvoir
« progressiste » et engraissé au tire-lait directement
branché sur le sein du contribuable. Il se croit propriétaire d'une
charge dont il n'est en réalité que l'employé intermittent.
A l'extrême limite, on
pourrait comprendre qu'il annonce, au lendemain d'un deuxième tour
qui n'aurait pas l'heur de lui convenir : « Je
démissionne, et le festival se fera sans moi ». Ce dont le
citoyen avignonnais se foutrait éperdument.
Il pourrait même
annoncer qu'il déménage d'Avignon où il réside pour l'instant et
partir habiter ailleurs. Cela aurait au moins une forme de sincérité.
Une suggestion : pourquoi ne pas partir, mais partir loin, très
loin, à l'étranger, où il pourrait proposer ses éminents services
pour mettre en scène des pièces qui pourraient s'intituler « le
Démocrate imaginaire », « l'Ecole des Infâmes »,
« Le Précieux Ridicule » ou « Tartuffe ou
l'imposteur » ou « Les Fourberies de ScaPY »...
Les électeurs d'Avignon
qui ont des voix à exprimer ou à reporter savent désormais ce
qu'ils ont à faire dimanche pour donner à ce maître-chanteur la
leçon qu'il mérite.
Dimanche soir, tous ces
guignols nous donneront le même spectacle.
Le mois prochain, à
l'occasion des élections européennes, cette troupe de mauvais
acteurs saura-t-elle se renouveler ? Il est permis d'en douter.