Cette élection présidentielle 2012 est révélatrice de la décadence de la société française. Au lieu d’être l’occasion de l’affrontement d’élites, de compétences, elle est le théâtre de guignols d’autant plus pathétiques qu’ils se prennent au sérieux. Théâtre accueillant une pièce plus tragique que comique, dont les médias sont les piètres metteurs en scène, et pour laquelle le public paiera son ticket d’entrée après la représentation, à un prix inconnu de lui, mais à coup sûr, d’autant plus exorbitant qu’il s’étalera sur plusieurs générations.
Passons donc en revue les acteurs ratés de cette guignolade : à l’extrême gauche, passons rapidement sur Arthaud qui prétend à l’héritage d’Arlette Laguiller : même coupe de cheveux, même discours simpliste, même spontanéité qui lui tient lieu d’intelligence. Mais contrairement à Arlette, elle ne connaît pas de succès médiatique, tout simplement parce qu’elle n’amuse pas nos journalistes. Arlette était devenue au cours des élections présidentielles successives, une sorte de mascotte pour les médias, qui la regardaient s’égosiller « travailleurs, travailleuses » avec amusement bienveillant et condescendance. Elle avait beau revendiquer avec force et menaces un régime de dictature, celle du prolétariat, en contradiction totale avec les valeurs démocratiques qu’ils étaient censés défendre, les médias lui tendaient leurs micros avec enthousiasme. Arlette jouait le rôle du fou du roi, à qui Sa Majesté permettait toutes les audaces et toutes les impertinences. Manque de chance pour Arthaud, pour cette présidentielle 2012, les médias ont changé de fou. Ils lui préfèrent Jean-Luc Mélenchon.
Passons aussi rapidement sur Poutou qui ne présente aucune sorte d’intérêt. On se bornera simplement à lever les yeux au ciel en songeant à cette complète absence de lucidité chez lui, qui lui laisse penser qu’il a l’envergure d’un Président de la République. On me répondra qu’au-delà de la fonction présidentielle, il cherche à représenter un courant de pensée. Or, les élections destinées à cela sont les élections législatives. Chercher à se servir des Présidentielles n’est rien de moins qu’une imposture qui vient polluer le débat présidentiel ; c’est une candidature de bouilleur de cru.
Eva Joly, dont le nom est déjà en soi, une promesse non tenue, est le symbole même du parti politique qui se tire une balle dans le pied. Comment une formation politique, dont la raison d’être se trouve à ce point favorisée par la conjoncture médiatique actuelle, peut-elle se vautrer de façon aussi spectaculaire ? Cela reste pour moi un mystère. J’en suis à me demander si cette candidature n’est pas une sorte d’acte manqué au sens psychanalytique du terme. Après autant de matraquage médiatique sur le réchauffement climatique et la prétendue responsabilité humaine, après le conditionnement du public quant au danger supposé des teneurs en CO2 de l’atmosphère, après l’accident de Fukushima, avec la raréfaction des réserves d’énergie fossile, avec en sus, l’extraordinaire popularité d’un Nicolas Hulot dans le grand public, comment un parti politique peut-il s’encombrer d’une candidate aussi tocarde qu’Eva Joly pour se planter aussi magistralement ? Sérieusement, il faut le faire exprès, non ?
On en arrive au chouchou des médias, en la personne de Jean-Luc Mélenchon, qu’on a vite fait de trouver Méchantcon. Sorte de Georges Marchais en bien plus intelligent, plus manipulateur aussi. Un socialiste pur souche régressant en communiste plus vrai que nature. A moins que ce ne soit un éléphant se déguisant en mammouth communiste pour mieux draguer les rares qui errent encore en bandes dispersées dans les steppes d’un prolétariat en déliquescence. La question est de savoir pour le compte de qui ? Roule-t-il pour lui-même ou pour Hollande ? La réponse à huit jours du premier tour et des premières consignes de report de voix, et à, éventuellement, trois semaines de la distribution des postes, ne saura pas nous faire languir bien longtemps.
Hollande, le candidat apparatchik de la gauche caviar. C’est aussi le candidat surprise du PS qui n’en revient pas lui-même d’avoir pour représentant à la Présidentielle, une « personnalité » aussi banale, aussi inconsistante, sans charisme, sans stature, sans crédibilité, sans expérience et sans idée. Le surnom de Flanby ne lui a pas été donné uniquement en évocation de son aspect physique de petit notable de province enrobé. Les barons du Parti restent éberlués de l’éclosion de ce candidat insipide qui, d’une certaine façon, les a pris de vitesse dans la course à l’investiture. C’est vrai que le trébuchement de DSK l’été dernier dans les tapis du Sofitel new-yorkais a beaucoup servi le Simplet socialiste. Ces barons sont obligés aujourd’hui de surmonter leur surprise et de faire contre mauvaise fortune bon cœur, car il semble bien que Flanby ait des chances d’être en mesure de distribuer des postes ministériels d’ici peu. Que voulez-vous ? Dix ans après le fiasco de Jospin en 2002 et cinq ans après l’échec de la quiche de Charentes-Poitou, les éléphants socialistes ont faim de pouvoir. Les Régions ne leur suffisent plus pour exercer leur incompétence, ils rêvent de changer d’échelle… Et les médias français, presse, radios et télés confondus, il faut le reconnaître, ne ménagent pas leurs efforts, pour propulser Hollande-Ouille vers les plus hautes sphères du pouvoir. Certes, ce n’est pas le candidat-modèle dont ils auraient rêvé, mais faute de grive, ils se contenteront bien d’un merle. Le merle en question n’a pas attendu d’être au pouvoir pour faire sa première bourde. On apprend en effet que Hollande-Ouille a envoyé Vauzelle au Mexique pour « s’occuper » du cas Cassez, au grand dam de son avocat et de sa famille. Ce qui est à la fois assez prétentieux de la part d’un émissaire qui ignore à peu près tout de l’affaire, et révélateur de la moralité d’un candidat socialiste prêt à toute bassesse dans ses manoeuvres électoralistes.
Puis nous avons le candidat Président sortant, Nicolas Sarkozy. Le champion de la scoumoune. Sur une période aussi courte qu’un quinquennat, il s’est coltiné pas moins de deux crises majeures, une économique, et une financière. Malheureusement, l’Economie et la Finance sont bien deux domaines où le Français de base n’y entend que couic. Lors, toute action qu’il a pu mener, positive ou négative, a toutes chances d’être mal interprétée par l’homme de la rue qui a fâcheuse tendance à considérer le reste du monde et ce qui s’y passe, du haut de sa fenêtre. Malchance supplémentaire, au niveau de son style personnel, Sarkozy est un homme de droite décomplexé dans un parti de droite qui ne l’est pas encore. Non seulement il lui a fallu se battre contre une opposition frustrée, des syndicats ringards et une presse délibérément hostile, mais aussi traîner une majorité frileuse et sans ambition. Pas facile. Comme si ce n’était pas déjà assez compliqué de se succéder à soi-même dans ce pays. Dans l’histoire de la cinquième république, un seul Président a eu à défendre son bilan pour tenter de se représenter. C’était Giscard, et il a échoué. Le Miteux et Chichi le roi fainéant n’ont pu rempiler que parce qu’ils succédaient à une cohabitation. Ces cohabitations ont eu le mérite de faire oublier leur propre bilan personnel. Les Français ont, en matière politique, la mémoire d’un poisson rouge. Et il est à craindre qu’ils soient sur le point d’élire Holande-ouille comme s’il s’agissait d’un homme nouveau, alors qu’il maraude sans briller dans la sphère politique française depuis des lustres.
Sarkozy n’a pas non plus tiré tous les enseignements de son quinquennat. Il est en train de promettre de nous refaire le coup de « l’ouverture à gauche » : comme s’il avait politiquement un intérêt à se ménager les bonnes grâces de la Gauche, ce qui est parfaitement vain. Et comme si la France avait quelque chose à gagner à faire appel à des compétences basées sur une compréhension anachronique du monde, qui date de plus d’un siècle. Il n’a pas compris, que si élargissement il devait y avoir, c’est à sa droite qu’elle devrait se faire. Car la Droite a toujours été majoritaire en France. Mais pour cela, il lui aurait fallu d’abord travailler à l’éducation de sa propre troupe, et la sortir du lavage de cerveau que lui ont imposé la Gauche et sa Presse aux ordres. Faute de cela, comme en 1981, la France majoritairement de droite peut se retrouver avec un gouvernement de gauche qui accélérerait encore un peu plus son déclin.
Pour un rappel objectif du quinquennat de Sarkozy, Saucisson-Pinard vous recommande l’excellentissime livre de Catherine Ney, intitulé « L’Impétueux ». Un vrai travail de vrai journaliste comme il en existe (trop) peu. Sans esprit partisan aucun, Catherine Ney décrit avec détails les actions du Président sortant, dans ses grandeurs et ses faiblesses et dresse le portrait intimiste de son mode de fonctionnement, à mille lieues de la caricature grossière que les médias français nous servent depuis cinq ans.
François Bayrou représente un Centre qui n’existe pas. Et comme la logique s’applique aussi en politique, le candidat d’une tendance qui n’existe pas, est un candidat qui n’existe pas. Bayrou n’existe pas. Bayrou est un candidat virtuel, une sorte de fantôme qui ne peut se manifester que de façon négative. Bayrou est à la politique ce qu’est le gravier pour le constructeur de pyramide : négligeable et inutile, mais gênant s’il l’a dans sa chaussure. On ne saura jamais que Bayrou existe en le voyant élu (ou ses représentants, aux législatives), mais on supputera son existence qu’en constatant que la gauche a le pouvoir dans un pays de droite. Bayrou ne mesure son influence que par son pouvoir de nuisance. Je ne suis pas sûr que de son point de vue, cela soit très valorisant. Pourtant, il se cramponne avec l’énergie du désespoir à ce pouvoir, faute de mieux.
Marine Le Pen a à la fois la chance et la malchance de succéder à son père. La chance, parce qu’il n’est pas certain que ses mérites seuls auraient suffi à la propulser à la tête d’un Parti qui a du mal à vivre hors de l’ombre de son fondateur. La malchance, parce qu’il est toujours difficile d’être comparé à son géniteur et peu glorieux, aux yeux extérieurs, de lui devoir sa place. Sa tâche est pourtant énorme. Aussi énorme que les obstacles qu’elle a à franchir. La crédibilité de gouvernance est probablement la plus ardue. Pour cela, il lui faudra apporter des preuves de compétences. Et si le FN n’a pas l’opportunité d’exercer ses compétences, il lui sera impossible d’apporter ces preuves. Evidemment, pour cela, il faut être élu à des fonctions quelconques. Aussi, plutôt que de pratiquer la politique de l’isolement en affrontant Sarkozy et en le prenant de façon stérile, comme cible principale, le FN aurait été mieux inspiré de mettre de l’eau dans son vin en pratiquant une approche de l’UMP, d’abord par son aile droite, la Droite Populaire. Cette approche aurait aussi contribué à cette tentative de « dédiabolisation » à laquelle Marine Le Pen semble, à juste titre, attachée.
Dupont-Aignan s’ajoute à la liste déjà longue de candidats inutiles. Non pas que ces idées le soient, inutiles, mais elles n’apportent rien dans le contexte d’une Présidentielle, alors qu’elles auraient tout à fait leur place dans une législative. Comme pour Poutou, c’est une candidature de bouilleur de cru. Saucisson-Pinard lui trouve néanmoins un mérite : celui d’avoir bousculé les « éditorialistes de bazar » dans le Grand Journal de Canal Plus. « Je sais pourquoi les Français ne lisent plus les journaux: ils vont sur internet, parce que tous ces éditorialistes de bazar qui pondent toujours les mêmes articles, qui sont tellement coupés des réalités, qui gagnent un argent fou, ils croient connaître les Français mais ils ne (les) connaissent pas et on va s'en débarrasser un jour.» Pour illustrer son propos, il demande à plusieurs reprises à Denisot combien il gagne. Bien entendu, gêné aux entournures, l’animateur refuse de répondre à la question, se reconnaissant bien évidemment dans ces « gens qui s'en mettent plein les poches et qui donnent des leçons à la terre entière et qui ne veulent pas voir la souffrance des Français" tout en "jouant les bons samaritains", que dénonce Dupont-Aignan. Jean-Michel Apathie, autre donneur de leçon patenté, vient au secours de son confrère et trouve la question du candidat « indigne ». Mieux, il l’accuse de populisme. Car un journaliste qui demande des comptes à un politique, c’est de l’investigation, mais un politique qui demande à un journaliste combien il gagne, c’est du populisme. Ou comment ne pas assumer la contrepartie de transparence du fameux « quatrième » pouvoir dont on profite par ailleurs. Au moins, Dupont-Aignan se sera affranchi le temps d’une émission, de cette espèce de retenue qu’ont trop souvent les politiques à l’égard des journalistes qui se croient intouchables et omnipotents.
Enfin, Cheminade, le candidat OVNI, et pas seulement parce que son programme met la conquête de Mars au centre de ses objectifs. Une candidature improbable dont la politique française a le secret. Ses propos ne sont pas tous dénués d’intérêt mais n’ont pas leur place dans un débat devant désigner celui qui sera chargé de diriger le pays pendant cinq ans.
Au total, malgré dix candidatures, on voit bien que, comme disait Coluche, on n’a pas l’embarras du choix, on n'a pas le choix, on n’a que l’embarras. Et comme quoi, décidemment, quantité ne rime pas avec qualité.
Il faut s’arrêter un instant sur les affiches de chacun. D’un côté le regard détaché, profond, abyssal comme un déficit public, se porte vers la ligne bleue Marine des Vosges. « La France forte », pense-t-il, forte de ses illusions et d’un antisarkozysme galopant, oui. De l’autre Hollande, l’autre politique du dommage à venir, avec un paysage bien plus flou. Il nous annonce simplement que « Le changement c’est maintenant » et, par vague contrepèterie, nous pouvons déceler que les manquements se feront par chuintements, sans bruit, discrètement, avec modestie… Qui choisir… Cf. http://pamphletaire.blogspot.fr/2012/03/le-marais-presidentiel-saffiche.html
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