Hollande Ouille a donc
profité de quinze jours de vacances au fort de Brégançon, alors
qu'il n'a été embauché que depuis moins de quatre mois : un
salarié « normal » fraîchement recruté n'aurait pas
bénéficié de tant de largesses de la part de son employeur. D'où
la différence entre un président « normal » et un
salarié fonctionnaire « normal ». Cela étant constaté,
on aurait mauvaise grâce à le lui reprocher, tant il est vrai que,
quand il est en activité, il n'en fait finalement pas plus que quand
il est en vacances. Et en vacances, il est moins sous le feu des
projecteurs, donc moins enclin à nous bassiner avec ses propos
lénifiants et son sourire niais. D'une certaine façon, ses vacances
ont été un peu les nôtres, et celles du blog de Saucisson-Pinard
par la même occasion !
Mercredi soir dernier sur
France 2, votre serviteur s'est pastillé un téléfilm, « Paradis
criminel » qui lui a fort opportunément fourni le prétexte
d'un article en cette période calme sur le plan de l'actualité. Et
il lui a fallu puiser très profondément dans cette motivation, pour
boire ce calice jusqu'au bout des deux parties de 95 minutes chacune
de ce téléfilm.
A quoi bon diffuser une
critique de film une fois celui-ci diffusé, me direz-vous ?
C'est effectivement ce que je me suis dit et j'étais à deux doigts
de renoncer à poster cet article quand est arrivé aux informations
cette nouvelle selon laquelle le service public de l'audiovisuel
pourrait à nouveau se voir offrir la manne publicitaire après 20
heures. Le prétexte étant que l'Europe (de quoi je me mêle?)
trouverait à redire au financement de la grande famille de France 2
et consorts par la taxe sur les opérateurs téléphoniques, trouvée
comme alternative à la publicité dont Sarkozy a voulu la
suppression sur les chaînes du service public depuis 2009...
Bref, cette nouvelle m 'a
donné à penser sur les besoins financiers de France 2, et notamment
pour ce qu'il est convenu d'appeler pompeusement les « créations
originales », cette réflexion coïncidant avec la diffusion de
« Paradis criminel », création originale s'il en est.
Franchement, la diffusion de cet authentique navet vient au pire
moment pour justifier la perpective pour les téléspectateurs
d'avoir à nouveau à subir de nombreuses coupures commerciales en
soirée sur les chaînes du service public. Se dire que notre
redevance a servi à payer cette daube est déjà en soi, un motif de
grande frustration qui semble suffisant.
Un nom à retenir :
Serge Meynard, celui du réalisateur qui a commis « Paradis
criminel », ne serait-ce que pour éviter de tomber par hasard
sur sa prochaine création. Il s'agit en effet de se méfier car
l'individu ne choisit pas nécessairement une mauvaise histoire. En
l'occurrence, celle de « Paradis criminel » aurait pu
tenir la route: l'enquête d'un flic solitaire sur le viol d'une
jeune fille et la mort qui ressemble bien à un meurtre d'un copain
de la dite jeune fille. Mais Meynard semble avoir eu le don de
transformer cette histoire en affligeant et involontaire pastiche de
film policier. Tout, absolument tout, est raté dans ce film :
les acteurs sont mauvais ou mal mis en valeur, les dialogues
laborieux et irréalistes, la musique pénible, le scénario
grotesque, la façon de filmer prétentieuse et lourde.
Les acteurs semblent
s'ennuyer ferme à force de s'échanger des regards lourds de
sous-entendus. Marie-France Pisier se demande ce qu'elle fait dans ce
nanar qu'elle traverse comme une ombre. Ce fut hélas son dernier
film. C'est à se demander s'il faut chercher dans ce fiasco les
raisons de son suicide...
Les dialogues sont
invraisemblables. Un petit garçon s'y exprime comme un adulte, les
tirades des adolescents sont visiblement écrites par un vieux qui
croit jouer au « djeune ». Les réflexions prêtées à
l'enquêteur donnent au spectateur un grand coup de nostalgie de
l'humour caustique de Poiret jouant l'inspecteur Lavardin.
La musique tient le
suspens du film comme une corde tient un pendu. Mais pendant plus de
trois heures, c'est franchement pénible.
Le scénariste doit se
dire que la simplicité est un signe de ringardise. Alors il en fait
des tonnes en multipliant les scènes improbables. Pour se conformer
à la bien-pensance décadente de notre société,
il sort de son chapeau, sans crier gare, un couple de pédés, l'un
quinquagénaire bien pesé, l'autre adolescent. La présence de ce
couple n'apporte absolument rien à l'histoire, mais n'est là qu'en
respect du quota de déglingos que se doit avoir toute œuvre
audiovisuelle contemporaine. Mais attention, c'est un couple bien
comme il faut : la preuve ? Le quinqua en question a beau
se taper un adolescent qui n'est pas certain d'afficher 18 ans au
compteur, il n'en exprime pas moins sa colère
tellement-comme-il-faut contre un pédophile supposé, amateurs de
petites filles, en le rossant en pleine rue... On ne cherchera pas
ailleurs la dimension morale de l'histoire, elle est toute résumée
dans cette scène.
Après le couple de
pédés, on passe au couple de gouines : une des jeunes filles
protagonistes de l'histoire serait amoureuse de la victime violée.
Le scénariste finit de
s'affranchir des contraintes du politiquement correct en complétant
son tableau avec un patron d'entreprise à la moralité très
douteuse, (patron et crapule : le pléonasme type dans le
vocabulaire gauchiste), une allusion à la corruption des élus,
maires et députés dans les affaires de permis de construire (les
politiques : tous pourris, évidemment), une caricature de
bigote catholique folle de Ste Thérèse comme il n'en existe que
dans les fantasmes des bouffeurs de curés.
A la réflexion, pour que
le tableau soit complet, il aurait fallu mêler dans l'intrigue
l'arabe de service, vous savez, celui qui est toujours accusé au
début du film mais forcément innocenté à la fin puisque c'est le
notable, blanc et riche, qui est le coupable... Mais dans « Paradis
criminel » pas de tel arabe. C'est vrai que l'histoire se passe
dans une province profonde...
Un critique évoque, dans
un journal télé, le penchant de Serge Meynard pour la dénonciation
des travers de la bourgeoisie de province, en disant qu'il louche sur
Chabrol. Peut-être, mais alors d'un strabisme très divergeant sur
le Chabrol sénile qui n'était plus, dans ses derniers films, que sa
propre caricature...
Le bouquet final de ce
scénario lourdingue et de cette mise en scène prétentieuse a lieu
dans les dernières secondes du film où on comprend que le petit
garçon qui croise de temps à autre l'enquêteur, rôle d'ailleurs
superflu, serait en fait un fantôme... Si le téléspectateur a eu
le courage de tenir jusqu'au bout de ce téléfilm sans s'endormir
avant, il peut alors partir dans une franche hilarité à la vue de
ce rebondissement surprise grand-guignolesque. Pour le coup, c'est
sur le film « Le Sixième Sens » que Meynard s'est mis à
loucher dangereusement...
La façon de filmer
participe au côté prétentieux de l'ensemble. Sophistication
gratuite des plans, avec abus de plongée et contre-plongée à tous
propos, plans serrés sur les regards inexpressifs des comédiens,
des clairs de lune assistés de projecteurs de 10 000 watts, parfois
des prises façon caméra-sur-l'épaule sans que jamais cela soit
justifié par la scène, entrecoupées de longs et lents travellings
se terminant sur des gros plans sans signification. Le tout est
extrêmement poussif et assommant et explique pourquoi le supplice
dure trois heures au total, car, comme bien souvent, ceux qui ne
savent pas faire, ne savent pas, en plus, faire court...
Ce téléfilm, tourné en
2008, a mis donc près de quatre ans à être diffusé. Serge Meynard
s'en étonnait lui-même le matin même sur une radio périphérique
qui lui donnait l'occasion de faire sa promo. En ce qui me concerne,
il aurait bien pu rester au fond d'un tiroir encore quelques années
de plus. A la limite, il pourrait servir de base de travail à des
étudiants en réalisation audio-visuelle, comme cas d'école de tout
ce qu'il faut éviter de faire dans la création. On sent bien que la
direction des programmes de France 2 a dû se sentir obligée de se
débarrasser de cette daube, en une seule fois (les deux parties ont
été diffusées le même soir, l'une à la suite de l'autre), au
cœur de l 'été, quand l'audience est moindre.
Le plus comique est que
cette « oeuvre », figurez-vous, a gagné un prix :
celui de la meilleure « mini-série TV en prime time » au
festival de la fiction TV de la Rochelle en 2009 ! (Le jury
avait le choix entre quatre titres. On n'ose imaginer comment étaient
les trois autres!) Une sorte de prix de camaraderie proposé à
l'élève qui n'obtient aucune autre récompense dans les matières
scolaires. Bel exemple de solidarité des professionnels de la TV
entre eux.
Reste que, pour revenir
au propos de ce début d'article, faut-il vraiment ré-introduire de
la publicité le soir sur les chaînes publiques pour payer ce genre
de ratage... pas sûr !
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