Ne t'es-tu jamais
demandé, lecteur, si tu ferais un bon journaliste de la presse
académique, c'est-à-dire de la presse conventionnelle,
bien-pensante, celle qui reste dans les clous du politiquement
correct, à vrai dire, de 99% de la presse française ?
Pour le savoir, voici une
petite mise en situation, très simple.
Tu apprends - ou plutôt
l'Agence France Propagande (AFP) t'apprend- qu'un individu en a
agressé un autre, au couteau, dans la rue, sans raison apparente. On
a juste entendu l'agresseur crier « Allahou Akbar ! ».
Ton premier réflexe sera
d'annoncer qu' « on ignore les motivations de
l'agresseur ». Que veux-tu, Sherlock Holmes était détective,
pas journaliste...
Si jamais tu as le nom de
l'agresseur, tu ne donnes que les initiales, par exemple M.B. Ton
lecteur ou auditeur sera ainsi peut-être enclin à imaginer qu'il
s'agit d'un Maurice Bertin. Ou Martial Bouton. Peu importe. De toutes
façons, tu ne vas pas t'étendre sur le fait que l'agresseur était
quand même bien basané, et l'agressé aussi blanc qu'un Maurice
Bertin. Ou qu'un Martial Bouton.
Si jamais il transpire
malgré tout que l'agresseur s'appelle Mohammed Beldaoui, tu auras le
réflexe immédiat de le qualifier de Français. C'est important de
dire que c'est un Français. Même si ce « Français » né
à Tataouine possède sa carte d'identité de Français depuis trois
semaines parce que la Préfecture la lui a envoyée sans lui demander
son avis. Il est donc « Français ». Jamais, tu imagines
bien, un étranger ne se rendrait coupable d'une agression gratuite
envers un Français.
D'ailleurs, si la
victime, elle, était étrangère, ça te rendrait bien service.
Vérifie donc que cette victime était bien française. Regarde si
elle l'est bien depuis plusieurs générations, on ne sait jamais. Le
bonheur évidemment, serait que la victime ne soit pas vraiment
blanche. Tu imagines ? On aurait alors un Français agressant un
homme de couleur ! Le rêve ! L'agression deviendrait du
coup un odieux crime raciste perpétré par un Français ! Voilà
qui changerait la donne !
Mais bon, ne rêvons pas,
et revenons au cas le plus probable : l'agresseur est arabe
d'origine et la victime est française.
Tu déclares alors que
l'agresseur est un déséquilibré. Certes, tu n'as aucun diagnostic
médical sous la main, provenant d'un asile psychiatrique, pour
étayer ton allégation, mais ce n'est pas grave. L'agresseur est un
fou en liberté, ça ne mange pas de pain de l'affirmer. Ton lecteur
ou auditeur se dira ainsi : « bah s'il s'agit seulement
d'un dingue, ce n'est pas trop grave. On le mettra à l'asile et tout
rentrera dans l'ordre. En plus, les chances que je croise un dingue
dans la rue sont quand même assez minces, je n'ai donc pas de quoi
m'inquiéter ». Ce en quoi il a d'ailleurs tort, mais
l'essentiel est qu'il le croit, n'est-ce-pas ?
Bien sûr, l'enquête
officielle avançant, on apprendra que l'agresseur arabe était fiché
S. Dans ce cas, surtout, SURTOUT, tu ne te demandes pas pourquoi ce
fiché S, connu et reconnu des services de police et de
renseignement, se balade librement, armé d'un couteau. Il n'est pas
de ton ressort de répondre à cette question, donc le mieux est que
tu ne la poses pas.
Car si toi, journaliste,
tu te la poses, le lecteur/auditeur lambda pourrait se la poser à
son tour. Et pire encore, il pourrait alors la poser lui-même
directement à son politique référent. Tu imagines l'engrenage
infernal ? Donc, tu ne poses pas la question.
Contente-toi de dire
qu'il s'agit d'un loup solitaire. C'est bien, ça, les loups
solitaires. Ça fait « individu tout seul, isolé, reclus,
malheureux dans sa vie, voire même bouc-émissaire d'une société
cruelle et égoïste qui l'a rejeté. » Du coup, l'agresseur
n'est plus loin d'être lui-même une victime, la victime d'un
système auquel ton lecteur participe. Donc, quelque part, il est
quand même un peu le bourreau, ton lecteur/auditeur, et ce qui
arrive est un peu de sa faute à lui.
Et puis surtout, le loup
solitaire est par définition, rare. « Donc la probabilité que
j'en croise un », se dit ton lecteur, « est faible ».
Il n'y a aucune raison de s'alarmer outre mesure.
Bon. A ce moment-là, il
est possible, voire même probable, éventuellement même certain,
que l'enquête en arrive à la conclusion que le loup solitaire
appartenait à une meute bien organisée. Alors c'est à toi de faire
ici très attention, journaliste. Tu évites autant que possible de
citer le nom de la meute. Cela doit même devenir un jeu, avec tes
collègues journalistes : celui qui prononce le moins de fois le
mot « islam » a gagné.
Mais fais attention,
journaliste. Les politiques jouent aussi à ce jeu, et ils sont très
forts. Prends Macreux par exemple. Il va à Saint-Etienne-du-Rouvray
rendre hommage au père Hamel et faire des selfies – ou plutôt,
dans l'ordre d'importance, faire des selfies et rendre hommage- sans
jamais prononcer le mot « islam » ! Il est vraiment
très fort, à ce jeu, non ? Tu auras donc affaire à des
champions.
Bien sûr, tu auras
droit, à la limite, au mot « djihadiste » comme mot
joker, quand tu auras épuisé l'usage des mots « déséquilibrés »,
« terroristes », « barbares »
ou « fanatiques ». Et tu éviteras bien évidemment
de rappeler que le djihad est juste la recommandation faite, entre
autres coraneries du même genre, dans le livre auquel se réfère la
totalité des adeptes de cette religion d'amour de paix et de
tolérance qu'est l'Islam. Tu éviteras ainsi de constater qu'un
djihadiste n'est jamais qu'un musulman qui met en pratique ce qu'il
lit dans le Coran, contrairement au musulman modéré qui ne le met
pas (pas encore) ; Un musulman modéré étant donc un timide,
un peureux ou un hypocrite qui lit tous les jours et entend à chaque
sermon à la mosquée ce qu'il devrait faire, mais ne le fait pas
(pas encore). De là à dire qu'un musulman non djihadiste est un
mauvais musulman... ! Sans doute attend-t-il juste qu'on lui
montre l'exemple, en jouant sur l'effet d'entraînement de foule, une
sorte d'effet mouton de Panurge, pour agir à son tour. L'avenir
(proche) le dira. Tu éviteras bien entendu d'aller sur ce terrain.
Après tout, tu es journaliste, pas théologien.
Alors, lecteur,
Saucisson-Pinard te résume :
Première étape :
Tu ignores les motivations de l'agresseur.
Deuxième étape :
Tu occultes son identité.
Troisième étape :
Tu occultes son origine.
Quatrième étape :
Tu évoques le loup solitaire.
Cinquième étape :
Tu ne poses aucune question sur le fiché S en liberté.
Sixième étape : Tu
évites autant que possible l'évocation du mot « Islam ».
Si tu as bien la maîtrise
de tous ces réflexes, tu pourras alors prétendre à intégrer cette
belle corporation qu'est le journalisme officiel.
Pour parodier Georges
Brassens, mets toi dans le journalisme et tu auras les politiques
même comme chalands.
Tout cela, évidemment, c'est la base.
RépondreSupprimerMais rien ne t'empêche d'aller un peu plus loin, et il y a bien des façons de le faire.
Par exemple, pour la première étape, cela ne mange jamais de pain d'évoquer la possibilité d'une piste d'extrême-droite : aucune hypothèse ne doit être écartée, surtout celle-là.
Un autre exemple, concernant la quatrième étape : bien préciser que rien ne pouvait laisser imaginer que l'agresseur ait pu être radicalisé - il n'est jamais inutile d'interroger les proches pour se faire confirmer tout le bien qu'ils en pensent, et leur incrédulité, en toute bonne foi, quant à sa responsabilité supposée.
Si tu veux faire vraiment bien ton travail, il faudra en outre relayer avec fidélité les déclarations officielles, soulignant que le gouvernement condamne le terrorisme (ne pas le qualifier davantage, c'est inutile et même contre-productif) avec la plus grande détermination et TOUTES les formes de radicalisation ; qu'il faut évidemment se garder de tout amalgame en soulignant que nos compatriotes musulmans sont les premières victimes de ce genre d'événement.
Enfin, si tu ne peux pas éviter d'utiliser le mot "islam", ce sera pour dire :
1/ que l'islam ce n'est pas ça (à faire confirmer par ton imam préféré)
2/ que l'agresseur n'est donc pas un musulman
3/ qu'il ne peut y avoir aucun rapport entre islam et terrorisme.
Bien sûr, mais tous ces rajouts, c'est pour le journaliste chevronné qui monte en gamme. Là, on n'est pas loin du rédac'chef ou du présentateur du 20 heures!
SupprimerJ'ajouterais simplement quelques remarques de simple bon sens : il est tout à fait normal que les fichés S se balladent librement en France, car s'il en était autrement, ils finiraient pas se douter qu'ils sont surveillés. Ensuite, tant qu'ils n'ont tué personne, on ne peut rien leur reprocher - sauf à leur faire des procès d'intention, chose probablement contraire aux droidlom. Et ne jamais oublier que prêcher le djihad n'est pas un délit, M. Cazeneuve nous le rappelait fort à propos il n'y a pas si longtemps.
RépondreSupprimerEt le principe de précaution, qu'est-ce que vous en faites ? Bizarre qu'il s'applique en matière alimentaire pour éviter d'avoir la courante et quelques boutons, et pas en matière de sécurité de l'Etat et de vie des citoyens...
Supprimerje crois que non, je vais pas arriver à faire un bon journaliste bien-pensant
RépondreSupprimerdésolé
je sais que je suis en train de décevoir profondément ma maman
"Mince alors! Mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de toi?" :-(
SupprimerAujourd'hui, test en vraie grandeur : le conducteur d'une voiture fonce sur 6 militaires de l'opération Sentinelle : on ignore ses motivations ... je coche "Première étape".
RépondreSupprimerEt comme prévu, le muzz qui a tenté d'attaquer à la Tour Eiffel était un "déséquilibré", mais selon son père, un brave type, pas un "radical"... Le scénario juridico-médiatique suit son cours bien huilé.
SupprimerCe qui me ramène toujours à la même question fondamentale et presque existentielle : est-ce qu'il faut être cinglé pour lire le coran, ou est-ce que la lecture du coran rend cinglé (un peu l'équivalent de la question de l'oeuf et de la poule) ?
SupprimerVaste débat, intéressant intellectuellement, quoique un peu vain.
SupprimerAh, un problème, il s'appelle Hamou B. et n'est pas français mais algérien ... Mauvaise pioche pour les étapes 2 et 3.
RépondreSupprimerEn revanche, c'est bien un loup solitaire : jamais fiché, à part pour des babioles et « Il n'apparaissait pas dans le spectre islamiste », martèle une source informée (dixit le Fig). Cela, effectivement, il faut le marteler, pour apaiser nos craintes illégitimes et infondées.
Attendons encore un peu et l'entourage nous dira à quel point le "suspect " est un brave type...
RépondreSupprimerÇa y est! Le tonton interrogé dit que c'est un "bon gamin"! Je vais ouvrir un cabinet de voyance...
SupprimerEh, oh ! vous trichez ! C'est moi qui ai parlé d'interroger les membres de la famille. Je demande ma part des bénéfices, y a pas de raison.
RépondreSupprimerC'est exactement ça. Et en plus ça marche puisqu'il est encore des tas de gens pour croire ce que disent ces escrocs!
RépondreSupprimerAmitiés.