L'homme attendit
patiemment la tombée de la nuit. Il avait demandé au personnel de
le laisser seul. Il avait annulé tous ses rendez-vous, avait
signifié à ses collaborateurs de ne le déranger sous aucun
prétexte.
Ça lui faisait tout
drôle d'être enfin seul, lui qui aimait tant, d'habitude, être le
centre d'intérêt d'une Cour grouillante, obséquieuse et hypocrite.
Mais ce soir suivait un après-midi d'introspection cruelle. Le
cliquetis de la fermeture de la petite valise qu'il s'était préparée
à l'insu de tous, résonna comme une rafale d'arme automatique dans
l'immense pièce vide. L'homme en avait sursauté presque. Elles
étaient déjà loin, les clameurs enthousiastes qui l'avaient
accompagné jusqu'au bureau qu'il occupait déjà depuis plus de
quatre ans. Ne restait plus que l'amertume d'un immense gâchis.
Gâchis de temps, gâchis d'argent, gâchis d'idées, gâchis
d'idéal. Le terrible constat d'un fiasco généralisé l'avait
submergé depuis le début de l'après-midi comme un tsunami. Le fait
même que cet éclair de lucidité le frappe comme un coup de poing
dans l'estomac, si tardivement, le laissait hagard. Comment avait-il
pu rester aussi aveugle, aussi sourd, quatre années durant, aux
résultats de son action, certains diront de son inaction. En fait,
sans doute un peu des deux.
Alors que son bureau
s'assombrissait sans qu'il n'éprouve le besoin d'allumer une
lumière, il mesurait à la fois l'étendue de ce qu'il n'avait pas
fait, et l'immensité du désastre de ce qu'il avait commis. C'est bien
simple, il avait raté tout ce qu'il avait entrepris, et avait manqué
d'entreprendre tant de choses pourtant urgentes et indispensables.
Il lui avait toujours
paru, dès le départ, incroyable d'être arrivé là où il était.
Il y avait probablement dans le pays des centaines de milliers de
personnes qui auraient été plus à même d'occuper ce bureau que
lui. Mais on se fait vite à l'idée que le destin vous a choisi,
vous, plutôt qu'un autre. Après tout, qui a dit que le destin avait
quelque chose à voir avec la logique ou la justice ? Et puis,
tous ces écrits qui le glorifiaient, qui lui donnaient un semblant
de respectabilité avaient fini par le convaincre qu'il était
peut-être plus compétent, plus méritant qu'il ne le pensait
lui-même.
Aujourd'hui, il
comprenait enfin la vacuité et l'hypocrisie de ces écrits et
commentaires. L'homme s'était enfin rendu compte qu'il avait été
la marionnette inconsciente d'un protocole qui se devait de glorifier
celui qui occupait ce bureau, sans égard aucun pour la qualité
réelle de ce qui s'y faisait. Ce jeu de rôle lui avait paru soudain
terriblement sinistre.
D'une main tremblante,
l'homme prit une feuille de papier, son stylo fétiche, celui qu'il
avait utilisé avec tant de fierté pour signer les documents les
plus officiels ; des documents qui, pour la grande majorité
d'entre eux, devait sceller la dégringolade de l'entreprise qu'on
lui avait confiée. Il commença à écrire : « Je suis
désolé » et s'arrêta brusquement. Il avait envie d'écrire
davantage. Envie de commencer à expliquer, en fait, de commencer à
s'expliquer. Et puis à quoi bon ? Il y aurait trop à écrire.
Ou pas assez. D'ailleurs, lui-même n'avait pas encore tout compris.
Alors, pourquoi chercher à expliquer l’inexplicable. L'homme
laissa le bout de papier sur le bureau, bien en évidence. Il saisit
sa petite valise, remonta le col de son manteau, enfouit son double
menton bien trop reconnaissable, sous une écharpe, et sur la pointe
des pieds, franchit le seuil de son bureau. Avec un dernier regard
vers ce fauteuil qu'il n'arrivait même plus à imaginer avoir été
le sien, il ferma délicatement la porte. Il gagna furtivement la
petite porte dérobée du Palais, celle-là même qu'il avait naguère
tant utilisée pour retrouver son scooter et aller se ridiculiser
auprès d'une gourgandine ambitieuse... Même ce souvenir lui était
devenu insupportable. D'ailleurs, s'il devait à brûle-pourpoint
résumer d'un seul mot ses quatre années et demi de mandat, c'est
très probablement le mot « ridicule » qui lui serait
venu à l'esprit. Immédiatement après celui d'"incompétent", bien
sûr.
L'homme trottina quelques
minutes jusqu'à la gare la plus proche et profitant de l'anonymat
d'une borne automatique, prit un billet pour une destination qui
restera inconnue de tous, à jamais.
On n'entendit plus jamais
parler du septième président de la Ve République.
Voilà ce qui aurait dû
se passer si ce président avait été un individu « normal »,
doté ne serait-ce que d'un soupçon de fierté, de conscience,
d'honnêteté et aussi d'un peu d'intelligence.
* * * * *
Une foule compacte et
hurlante s'était dirigée vers l'Elysée. Les cordons de CRS
avaient, un temps, fait mine de s'opposer à la progression des
manifestants. Mais bien vite, ils se disloquèrent et laissèrent
passer la furie. D'abord, il aurait fallu utiliser la force brutale
pour la ralentir, et puis finalement, à quoi bon ? La grande
majorité des policiers comprenait la colère des manifestants. En
fait, elle faisait mieux que la comprendre. Elle la partageait
totalement. Les policiers étaient littéralement usés. Ils étaient
aussi moralement fatigués de servir une caste politique qui les
méprisait. Ils étaient écoeurés de se sacrifier au nom d'un
prétendu humanisme de gauche qui privilégiait les délinquants aux
dépens des victimes. Et celui qui personnifiait tant cette
politique, était précisément le locataire du bâtiment vers lequel
la foule vociférante se dirigeait. Alors pourquoi risquer des coups
en les en empêchant ? Il leur suffisait de se souvenir que
c'était lui qui avait mis Taubira à la Justice, pour balayer
instantanément toute velléité d'opposition à cette marche
déterminée.
Et d'ailleurs, la Chambre
des députés et le Sénat avaient déjà été envahis par le peuple
la veille. Les rares prétendus « représentants du peuple »
qui y avaient été trouvés, avaient été promptement évacués.
Beaucoup d'entre eux se prélassaient, inconscients qu'ils étaient,
dans le restaurant gastronomique de l'Assemblée, où pour un prix
dérisoire, ils déjeunaient aux frais de la princesse. Mais c'est
précisément la princesse en question, qui venait d'une certaine
façon, leur signifier que la fête était terminée. Des coups
étaient tombés drus sur les quelques députés et sénateurs
arrêtés. Beaucoup de représentants de cette caste désormais
honnie, s'étaient retrouvés avec leurs beaux costumes en lambeaux,
ahuris, tétanisés, sur les marches du Palais de l'Assemblée.
Une horde de fous furieux
s'était donc précipitée dans le Palais de l'Elysée, bousculant le
peu de personnel qui restait encore après des jours de soulèvement
populaire. Le président reclus dans son bureau n'avait pu
s'échapper. La poignée de révolutionnaires de circonstance qui
était à la tête de cette horde, n'en revenait pas, finalement,
d'avoir devant elle, en personne, l'impudent personnage qui avait eu
le culot de vouloir se représenter aux suffrages. Comment, après
tant d'années d'incompétence caractérisée, pouvait-il encore
avoir l'outrecuidance de demander un second mandat ? Après
avoir mis le pays à l'agonie économique, l'avoir accablé d'impôts, renié son passé
glorieux, avoir détruit les fondamentaux même de la société
française, attaqué la famille, laissé des cohortes de clandestins
envahir le territoire sans réagir, avoir laissé prospérer le
chômage, avoir renforcé les privilèges d'une caste de parasites,
fait du pays le vassal politique des USA, en Ukraine notamment, et le
vassal économique de Berlin et de Bruxelles, après s'être entouré de tocards, d'escrocs, de repris de justice, comment pouvait-il
avoir encore l'arrogance, toute honte bue -mais en avait-il
seulement?- , de se prétendre le meilleur pour se charger de cinq
autres années de gestion du pays ? Comment un individu peut-il
se tromper à ce point sur lui-même ? Ou pire, s'il se sait
incompétent et nuisible, comment peut-il avoir l'audace de s'accrocher ainsi au
pouvoir ?
Le peuple, poussant le légitimisme à son paroxysme, aurait pu, à la limite, accepter qu'il finisse son mandat catastrophique. Mais sa nouvelle candidature à un second mandat, appuyée par la récente dilapidation de fonds publics distribués en cadeaux afin d'acheter le soutien de sa base électorale supposée, avait été l'étincelle qui avait mis le feu aux poudres. N'en pouvant plus, le peuple opta pour l'insurrection qui avait semblé être la seule réponse décente à cette honteuse candidature. Même le camouflet d'une élimination dès le premier tour des présidentielles avec un score pitoyable n'aurait pas été de nature à éteindre la colère des Français, toutes orientations politiques confondues. Il fallait châtier l'impudent. Ne serait-ce qu'à titre d'exemple à l'intention de ses futurs successeurs.
Le peuple, poussant le légitimisme à son paroxysme, aurait pu, à la limite, accepter qu'il finisse son mandat catastrophique. Mais sa nouvelle candidature à un second mandat, appuyée par la récente dilapidation de fonds publics distribués en cadeaux afin d'acheter le soutien de sa base électorale supposée, avait été l'étincelle qui avait mis le feu aux poudres. N'en pouvant plus, le peuple opta pour l'insurrection qui avait semblé être la seule réponse décente à cette honteuse candidature. Même le camouflet d'une élimination dès le premier tour des présidentielles avec un score pitoyable n'aurait pas été de nature à éteindre la colère des Français, toutes orientations politiques confondues. Il fallait châtier l'impudent. Ne serait-ce qu'à titre d'exemple à l'intention de ses futurs successeurs.
La foule vociférante
avait donc saisi l'arrogant président au collet et l'avait traîné
de force sous les quolibets et les huées des Parisiens venus
assister en masse à l'arrestation de l'usurpateur, jusqu'à la
Conciergerie. Ce lieu de détention avait été choisi pour sa valeur
symbolique historique lourde de sens. L'ex-président déchu y
demeura enfermé au secret tout le temps de son procès pour haute
trahison. Pas moins de trois mois furent nécessaires pour énumérer
devant un jury populaire, tous les actes d'incompétence criminelle
de l'individu et son œuvre contraire aux intérêts supérieurs de
la Nation et à ceux de son peuple. Le verdict fut à la hauteur du
désastre subi par le pays pendant ces presque cinq ans. La peine de
mort ayant été réhabilitée pour les cas les plus graves, par un
Comité de Salut Public instauré à la hâte dès les premiers jours
de l'insurrection, elle s'appliqua au président déchu. L'exécution
ne fut pas publique, mais il se murmure qu'un témoin se serait
emparé de la tête présidentielle tombée de la guillotine pour la
piquer sur une fourche et la brandir à travers les rues de Paris,
comme exutoire de cinq ans de colère. Mais peut-être n'est-ce
qu'une légende.
Voilà ce qui aurait dû
se passer si ce peuple avait été « normal », doté ne
serait-ce que d'un soupçon de fierté, de lucidité, de courage, de
tripes, … et de mémoire de son Histoire.
Bel équilibre de ces deux anormalités qui se font face.
RépondreSupprimerOù sera le point de rupture (s'il doit y en avoir un un jour) ?
Y sommes-nous bientôt ?
Magnifique, bravo !
RépondreSupprimerHomo Orcus
- Raoul ?
RépondreSupprimer- Oui, Gaston ...
- Tu te rends compte que si Culbuto n'avait pas été là, peut-être que tu ne serais jamais devenu mon mari ? Et pourtant on est un couple normal, non ?
- Oui, un couple comme tous les autres ... on vit vraiment une époque magnifique !
Nom de dieu que c'est beau ! Ca fait rêver, de penser que le peuple ou l'abruti à sa tête pourraient avoir des comportements normaux, et enfin dignes ! Encore aujourd'hui, voir les fastes et solennités de la France déployés autour de cet avorton bedonnant et bredouillant des mensonges, c'était à vomir, tant c'est immonde d'indignité.
RépondreSupprimerQu'il meure, c'est tout ce que j'arrive à souhaiter ! Mais vite...
Bien vu ! J'ai malgré tout honte de faire partie de ce peuple incapable de se soulever et de renvoyer dans les poubelles de l'Histoire ce pitre malfaisant...
RépondreSupprimerJe dirais même plus, un peuple normal ne se serait jamais avisé d'élire un telle andouille à un tel poste...j'en aurais à peu près autant pour tous ses prédécesseurs depuis au moins Giscard.
RépondreSupprimerIl n'y a donc lieu de s'étonner de rien...
Amitiés.
Giscard compris. On lui doit le regroupement familial des immigrés, donc l'amorce du Grand Remplacement, et d'avoir fait franchir au pays le seuil des 35% du taux de prélèvement sur PIB, qui symbolise le passage de l'économie de marché libérale au socialisme. Ce taux est aujourd'hui de plus de
Supprimer45.2%, le pire de l'OCDE. Allemagne est à 36%, les USA à 26%... Giscard est le début de la soviétisation de l'économie.
quel beau texte! vraiment un régal...sommes nous un peuple normal? j'ai bien peur que non puisque nos votes sont téléguidés par les journaleux en poste , et que nous élisons qui doit être élu pour plaire au gars Amérique ou d'ailleurs et a la femme Allemagne.
RépondreSupprimerj'ai tant de pensées mauvaises malsaines nauséabondes contre ces gens qui nous mènent a l'abattoir que ces cons en question sont même en train de me faire perdre mon âme .
encore bravo c'est joliment écrit et si vrai !
j'ai bien sur intention de me defendre quand cela arrivera sur mon pas de porte
Défendez-vous mais surtout gardez votre âme! Amicalement, SP.
SupprimerVous venez d'expliquer très clairement pourquoi ces lieux sont situés dans des périmètres SACRES où, à aucun prix, aucun rassemblement de manifestants de doit s'approcher de trop près. Les forces de maintien de l'ordre connaissent cette interdiction, principalement celles de la préfecture de police, avec à leur tête, leur préfet. Le cas échéant, si un rassemblement de manifestants menaçait ces lieux du pouvoir, l'usage des armes à feu s'imposerait. Tout cela aurait du être connu de la manifestation pour tous qui, il y a quelques mois, a été bloquée place de l'étoile de manière "un peu énergique" pour ne pas être mis dans l'obligation de faire usage de moyens beaucoup plus brutaux pour que le contenu du palais de l'élysées et des deux chambres ne soient mis en danger.
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