Pourquoi ce blog?

Jamais l’emprise du politiquement correct sur l’Information n’a été aussi forte. Naguère subtil, il est aujourd’hui omniprésent et ne s’embarrasse même plus de sauver les apparences. Il s’affiche comme un véritable terrorisme intellectuel : non seulement il monopolise la pensée sociale et politique, son expression, mais il se permet de sanctionner, éventuellement judiciairement, tous écarts et ceux qui les commettent. Les petits soldats de la Pensée Unique, journalistes, animateurs tv ou radio, se pressent au p ortillon de l’accès aux tribunes médiatiques et c’est à celui qui affichera avec le plus de zèle sa soumission au dogme.
Ce blog a pour très modeste ambition de pointer du doigt ces attentats terroristes de la Pensée et dénoncer les personnes publiques qui les commettent, consciemment ou inconsciemment.
Si vous cherchez à lire l’actualité sous un autre angle que celui que vous imposent la tv, les magazines, la radio, la presse ou le quidam-perroquet de la rue, lui-même matraqué par ces médias, ce blog est pour vous… et attend vos témoignages !
Si les propos de ce blog vous choquent, vous pourrez ainsi mesurer à quel point vous avez été formaté par la Pensée Unique… et apprécier le degré d’urgence que vous avez à vous dépolluer l’esprit.

jeudi 26 avril 2018

Trump: Chapeau l'artiste!



Trump et Macreux enterrant la diplomatie française.

L'Airbus A330 présidentiel venait à peine de décoller.

- Tu as vu ? Non mais tu as vu ?
Le président était extatique.

- Oui, mon chéri, tu es le meilleur ! répondit Brigitte, admirative avec les yeux d'une mère pour son fils à la remise de son BEPC.

- Je l'ai mis dans ma poche, le Ricain !

- Il t'aime bien, mais c'est normal, tu es si formidable !

- "M'aime bien" ? Tu rigoles ? Il m'adore ! T'as vu toutes ses marques d'affection ? Il n'a pas arrêté de me tripoter, de me serrer les mains, de me faire des « hugs », de me prendre par les épaules ! Je l'ai conquis !

- Oui, mon chéri ! Il t'a même retiré des pellicules que tu avais sur les épaules, c'est une marque d'affection, c'est sûr !

- Oui, euh, bon, ça, il aurait pu s'en dispenser... Mais, bref, il ne peut rien me refuser maintenant !

- Il t'a promis quelque chose, mon Amour ?

- Euh, non, pas encore... Mais c'est sûr, il me mange dans la main ! On est les meilleurs potes du monde !
Et tu as vu ? Même la Presse française est conquise : j'ai remis la France en première place sur la scène internationale ! On ne parle que de mon voyage états-unien partout dans le monde ! On me compare à De Gaulle, t'as qu'à voir !

- Euh... oui... mais De Gaulle avait mis la France au premier plan de la scène internationale en montrant l'indépendance du pays par rapport à n'importe quelle superpuissance, y compris les Etats-Unis...

- Tu crois ?

- Ben oui, je m'en souviens, j'étais déjà grande à l'époque...

- Bon, euh.. c'est possible. Mais n'empêche, on parle de la France, de son président, (c'est moi ! quand j'y pense, je n'en reviens pas), et c'est tout ce qui compte !
Oh la la, je suis en train de marquer de mon empreinte l'Histoire avec un grand H, tu te rends compte, maman ? s'émerveilla le président.
Ah que j'ai hâte d'atterrir en France pour savourer ma réussite, voir l'admiration et la vénération dans les yeux des Français et regarder BFMTV...


Au même moment, à Washington DC, à la Maison Blanche...

Un rire tonitruant résonna dans les couloirs. Les membres du personnel présent restèrent figés quelques instants dans leurs occupations, surpris par cette explosion de joie qui rebondissait d'un mur à l'autre comme un torrent en crue. Melania Trump faillit en perdre son chapeau. Elle se précipita vers le bureau ovale, ouvrit la porte à la volée. Elle y trouva Donald hilare, la mèche en bataille, les yeux rougis, se tenant les côtes, suffocant de rire.

- Mais que se passe-t-il, Honey ?

- Tu as vu, non mais tu as vu ? hoqueta le Président, entre deux spasmes.

- Vu quoi, Sweetie ?

- T'as vu le cinéma que je lui ai fait, au Frenchie ?

- Oui, c'est vrai, je t'ai trouvé bien amical avec lui !

- Amical ? You're kidding ? J'étais à deux doigts de lui rouler une pelle ! Un french kiss !

Il repartit de plus belle dans son éclat de rire.

- Mais pourquoi donc ? Tu n'as pas viré ta cuti, au moins ? demanda Melania faussement inquiète.

- Tu ne comprends pas ? dit le président en s'essuyant enfin les yeux avec son mouchoir. 
Je viens de tuer dans l'oeuf la politique étrangère de ce petit merdeux.

- Comment ça ?

- Eh bien, avec les photos de notre merveilleuse entente, de notre formidable complicité, de nos liens indéfectibles, qui sont en train de submerger la Presse internationale, je peux te dire que, désormais, pour pouvoir être crédible au Moyen-Orient, en Russie ou en Chine, il va ramer comme un malade, le gamin ! Non mais, t'imagines la gueule que vont tirer les Palestiniens en voyant à quel point on est copains, lui et moi? Désormais, si l'Amérique est vomie par les Arabes partout dans le monde, elle n'est plus seule ! Je viens d'associer à notre Club de la détestation, ces cons de Français.

- C'est vrai que tu y es allé assez fort dans tes démonstrations ! reconnut Melania

- Tu parles ! Je me suis amusé comme un petit fou. Je me suis même permis de faire savoir publiquement que ce petit con avait des pellicules ! Il n'a même pas pu moufter ! Trop drôle ! Et plus je jouais au père attendri avec lui, et plus il était ému ! Non mais sérieux, je n'en pouvais plus ! Il n'a rien capté, l'abruti !
Tu sais que j'ai même été jusqu'à le féliciter pour sa politique anti-immigration, alors qu'il n'a rien foutu à ce niveau, et que son pays est submergé par tous les va-nu-pieds d'Afrique ? Ça a dû le surprendre d'ailleurs. Mais il n'a pas pigé qu'avec cette simple petite phrase, je l'associais à mon entreprise de mur anti-migrants! D'un seul coup d'un seul, je l'ai grillé auprès des populations migrantes et des associations immigrationnistes. Formidable, non ? Le comble, c'est qu'il continuera à se coltiner les clandestins par centaines de milliers mais sans avoir leur reconnaissance ! Non, je te jure, il a tout gobé sans sourciller, ce greenhorn ! Tu sais qu'en France, ils le surnomment l' « Obama français »? Ça ne rend ma manip que plus délectable !

- Mais tu lui as promis quelque chose ?

- Tu rigoles ? Que dalle ! Nix ! Il a bien cherché à aborder son histoire de climat, tu sais, sa marotte du bullshit de réchauffement climatique, entre deux câlins, mais j'ai botté en touche à chaque fois. Pareil avec ma position par rapport à l'Iran. Il a bien tenté de dire à qui voulait l'entendre qu'il avait obtenu quelque chose, mais je crois qu'il n'y croit pas lui-même ! Que dalle, je te dis. Il n'a rien eu de ma part.
Non, crois-moi, il y avait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé à manipuler un interlocuteur ! Tu sais que même la Presse française, qui, jusqu'à maintenant, n'a eu de cesse de me chier dans les bottes et de me prendre pour un gogol, a trouvé notre entente formidable ? Non, mais sérieux ! Je suis trop fort ! Leurs journalopes gauchos, toujours prompts à faire dans l'anti-américanisme primaire, particulièrement quand il y a un Républicain au pouvoir, n'en pouvaient plus de s'extasier devant notre couple, si fusionnel ! Trop fort, je te dis ! Ils n'ont même pas percuté que la connivence d'un anti-système comme moi, et d'un pur produit du dit-système comme ce blanc-bec sonnait faux comme une cloche fendue. Ah les fucking shitheads!

- Remarque, Honey, ce n'est pas le premier à t'avoir sous-estimé, et ça ne sera pas le dernier...

- Ils n'avaient qu'à lire mon bouquin « The art of the deal ». J'y explique déjà, il y a plus de trente ans, que dans une négociation, il faut toujours paraître être le moins intelligent. Mais ça, on ne doit pas l'enseigner dans leur fucking Ecole Nationale d'Administration. En attendant, j'ai maintenant un pion à ma botte sur l'échiquier européen, en plus de la Theresa May. La Merkel qui ne peut pas me blairer, va se trouver méchamment isolée.

Vraiment, cette rencontre a été jouissive : comment faire des affaires tout en s'amusant ! Je crois que je vais écrire un livre que j'appellerai « The art of diplomacy » !

samedi 14 avril 2018

"Monsieur le Conseiller est là...!"




Un matin de la semaine dernière, au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris.

La secrétaire entrouvrit la porte, glissa la tête dans l’entrebâillement et susurra :
- « Monsieur le Président, votre Conseiller est là ! »

Macreux se leva brutalement de son fauteuil, comme dans un garde-à-vous et répondit précipitamment:

- « Mon Conseiller ? Faites entrer, vite ! »

- « Salut !» fit l'homme au nez busqué qui pénétra d'un pas assuré dans le bureau.

- « Comment ça, « Salut » ? Un peu de déférence, je vous prie, je suis le Prési... »

- « Ta gueule ! On n'est pas en public, ici. Alors, tu sais qui m'envoie, et à qui tu dois d'être dans ce bureau ! »

- « Quand même, je suis le Président de la République, quand même... » grommela Macreux, rouge de confusion.

- « Assis-toi et écoute ce que j'ai à te dire » rétorqua l'autre.
« Il ne t'a pas échappé que ça commence à bouger, dans le pays. Alors tu vas parler à tes compatriotes. A commencer par ceux sur lesquels tu as prélevé une bonne augmentation de la CSG pour compenser les baisses d'impôts de Bernard Arnault, Pinault, Niel, Drahi et des nôtres d'une façon générale. Les vieux qui aiment votre France profonde regardent Jean-Pierre Pernaut à midi. Tu te feras donc interviewer par lui, dans son émission de TF1. »

- « Faut que j'aille à TF1 ? »

- « Non, tu iras dans une salle de classe. Il faut que tes téléspectateurs comprennent que tu es leur instit' qui sait tout, qu'ils sont tes élèves qui ne savent rien et qui ne comprennent rien à notre politique. Donc, tu leur apprends. Tu leur dis merci pour l'argent que tu leur as volé, ou mieux, qu'ils t'ont donné, que tu es leur Président à tous, et patin couffin. Je te laisse le soin de les enfumer copieusement, comme tu en as l'habitude avec tes formules creuses. C'est ton job.
Ensuite, tu décideras de te joindre à Trump pour pratiquer une frappe militaire en Syrie contre Bachar. »

- « Ah bon ? Mais rien n'est prouvé, quant à cette prétendue attaque chimique... »

- « Tu diras que tu as des preuves. Personne ne te les demandera. »

- « Oui, mais bon... C'est quand même bizarre que Bachar ait employé des armes chimiques alors qu'il est en passe de finir sa conquête de la Ghouta ! Je ne vois pas l'intérêt qu'il aurait à défier ainsi l'opinion internationale, gratuitement pour ainsi dire... Et à chaque fois qu'il gagne spectaculairement du terrain, on reparle comme par magie d'attaque chimique. Ça ne serait pas plutôt les djihadistes qui auraient intérêt à manipuler ainsi l'opinion occidentale ? »

- « T'occupe ! C'est pas ton problème. Le Sionistan a besoin qu'on se débarrasse de Bachar, alors tu ne cherches pas à comprendre et tu fais ce qu'on te dit de faire. »

- « Mais il ne faut pas une décision de l'ONU, pour ce genre d'intervention militaire dans un pays indépendant ? »

- « Ah ah ah... » ricana l'homme au nez busqué. « Ceux qui te donnent les ordres n'ont pas de siège à l'ONU... Et le Palais Brongniard, Wall Street et les salles de marché d'une façon générale, n'ont pas de convention sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire quand il s'agit d'intervenir dans un pays indépendant... »

-  « Et les médias, ils ne vont pas trouver à redire à ce que je me fasse le vassal servile de la politique étrangère d'un Président américain qu'ils passent leur temps à critiquer, à traiter d'imbécile et à mépriser ? »

- « Les médias, c'est notre boulot. Ils diront ce qu'on leur dira de dire. Je crois que tu es bien placé pour savoir qu'on sait faire, non ? Et si, pour une fois, ils doivent trouver que l'action de Trump est formidable, ils la trouveront formidable, sans sourciller. D'ailleurs, il ne s'agit pas de la politique étrangère américaine, il s'agit de la nôtre. Donc, tu nous laisses nous occuper des médias, et tu fais ce qu'on te dit. Compris ? »
« Et puis..., » continua-t-il en se radoucissant, « tu adoreras endosser tes habits neufs de « chef de guerre », non ? Petit bouchon, va... » dit l'homme au nez busqué en tapotant paternellement la joue de Macreux.

- « Allez, exécution ! » dit-il en tournant les talons. « Ne me raccompagne pas, je connais le chemin. Ah, au fait... » poursuivit-il, sans même se retourner, « quand tu seras interviewé, tu penseras à bien relever tes cheveux de côté sur tes tempes, tu as un début de calvitie. La jeunesse est une qualité que les Français te trouvent encore, ne la gâche pas, tu vas en avoir besoin ! A bientôt ! »

- « A bientôt, Monsieur le Conseiller... ce fut un plaisir, c'est plus sympa de vous voir ainsi que de vous entendre dans l'oreillette ! » bafouilla Macreux, en portant machinalement sa main sur sa tempe.

Mais la porte avait claqué avant même qu'il ait terminé sa phrase.












mardi 3 avril 2018

Le stagiaire de l'AFP.



- « Entre, entre, Martin ! » s'exclame joyeusement le directeur de l'AFP au jeune qui vient de taper timidement à sa porte.

- « Vous m'avez demandé, monsieur le directeur ? »

- « Oui coco, en effet. Ça fait combien de temps que tu es en stage dans notre belle Agence France Presse ? »

- « Bientôt six mois, monsieur le directeur. »

- « C'est cela, c'est cela. Bien. J'ai regardé tes dernières dépêches. Elles sont bien. Enfin... bien, elles demandent quand même à être retouchées. D'ailleurs, elles l'ont été systématiquement par ton maître de stage, comme tu as pu le constater. Je voulais faire le point avec toi afin qu'on puisse s'assurer ensemble que tu as vraiment un avenir dans notre belle agence. »

- « Mais je le souhaite vivement, monsieur le directeur ! »

- « Oui, oui bien sûr, coco. Cependant, il y a quand même un certain nombre de petites choses que tu devras vite corriger pour nous donner l'assurance que tu partages nos valeurs. »

- « Les valeurs du journalisme attaché à la vérité et à l'impartialité ? »

- « C'est cela, c'est cela. Evidemment, c'est cela. Bon. » 

- « Et que faudrait-il donc que je corrige, monsieur le directeur ? »

- « Eh bien, puisque tu en parles, le Président me le disait encore il n'y a pas une heure... »

- « Le Président de l'AFP ? »

- « Ben non, le Président de la République ! Je disais donc, comme me le précisait notre Président à tous, ce matin, nous avons un rôle essentiel à jouer afin de contrer les fake news diffusées par des médias subversifs et mal intentionnés. Tu sais coco, le diable se cache dans les détails. Ainsi, quand tu rédiges une dépêche dans laquelle tu fais état de la radicalité croissante de jeunes musulmans en France, est-il nécessaire de préciser « musulmans » ? Non, bien sûr, cela serait stigmatisant, n'est-ce pas ? Parle plutôt de l'inquiétante radicalité d'une « minorité de jeunes », point. D'ailleurs, d'une façon générale, à chaque fois que tu dois relever des méfaits, crimes et délits de jeunes pratiquants de la religion musulmane, parle de « jeunes », tout simplement. C'est moins stigmatisant, et c'est plus court à écrire. »

- « Et ce n'est pas stigmatisant pour tous les jeunes, ça, y compris pour tous ceux qui ne sont concernés ni de près ni de loin par la responsabilité de ces méfaits, crimes et délits ? »

- « Bon, les jeunes au sens large sont plus nombreux que les jeunes musulmans, donc la stigmatisation est plus diluée, comprends-tu ? Et tu ne voudrais pas être taxé d'islamophobie, n'est-ce pas ? »

- « Ben, monsieur le directeur, si l'AFP est taxée de naziphobie ou de fascismophobie, je ne pense pas que ça vous dérangerait plus que ça... »

- « Bon, écoute, je suis là pour t'aider, alors si mes conseils ne te servent à rien... »

- « Si, si, bien sûr, monsieur le Directeur. Je vous écoute. »

- « Tu sais, c'est important d'utiliser le bon vocabulaire. Un djihadiste n'est pas forcément un djihadiste. Dans le quartier de la Gouta, en Syrie, par exemple, un djihadiste est un « rebelle ». C'est quand même plus sympa, un rebelle, non ? Ça fait penser à notre jeunesse en Mai 68, à notre camarade à tous, Cohn-Bendit. Ça évoque la remise en cause de l'ordre établi, tout ça. Plus sympa que des fanatiques islamistes qui bombardent les quartiers chrétiens de Damas ou les snipers enturbannés et barbus qui tirent sur les civils essayant de fuir. Tu comprends ? »

- « Euh oui, certes... »

- « Si tu ne sais pas distinguer le bon du méchant, si tu as un doute, je vais te donner un truc : plus le protagoniste est blanc, plus il a des chances d'être le méchant, plus il est basané, plus il est le gentil. D'ailleurs, notre Président bien-aimé l'a encore dit récemment à propos de l'intelligence artificielle, il ne faudrait pas que les seuls mâles blancs quadragénaires soient les leaders dans cette évolution technologique. Donc les mâles blancs : pas bons. Bref.
Je vais te donner un exemple : Viktor Orban, Premier Ministre de Hongrie, anti-immigration, donc anti-musulman et anti-noir, il est blanc. Donc c'est le méchant. Tu le qualifieras de « populiste ». Si le peuple hongrois avait eu raison, Orban serait démocrate, comme notre Vénérable-Président-Grand-Soleil-du-XXIe siècle. Mais le peuple hongrois a tort, donc il est populiste. Tu dénonceras donc toutes ses déclarations, et à l'inverse, tu mettras en exergue ceux qui s'opposent à lui. Une poignée de contestataires distribuent des photocopies dans la rue en guise de journaux d'opposition ? Tu en fais une montagne. Tu en parles, tu en re-parles, tu en re-re-parles.
La veuve de Mandela est morte ? Elle est noire, donc c'est la gentille. Tu l'appelles « grande dame de la lutte contre l'apartheid ». Et tu oublies son radicalisme, son racisme anti-blanc, ses détournements d'argent, ses fraudes et ses violations des droits de l'Homme. Tu mentionnes tout le bien qu'en pensent ses soutiens de toujours. Par exemple, voilà ce que ton collègue écrit au sujet de Winnie Mandela : « Jusqu'au bout, elle est restée fidèle au township noir de Soweto. A l'annonce de son décès, ses admirateurs se sont pressés à son domicile ». Tu vois? C'est court, c'est gentil, c'est agréable à lire pour le vivrensemble. Facile, non ? »

- « Euh oui... »

- « Le vocabulaire est important, mais les chiffres aussi. Regarde. Imagine qu'il y ait, un jour, 2000 manifestants dans la rue. Si c'est une « bonne » manifestation, genre manifestation contre Trump. Tu parles alors de « plusieurs milliers » de manifestants. Deux, c'est bien « plusieurs », non ? Mais s'il s'agit d'une « mauvaise manifestation », genre manifestation pro-vie ou pro-famille, tu parles de quelques dizaines de manifestants. Deux cents dizaines, c'est bien « quelques dizaines » non ? Et s'il s'agit d'une très mauvaise manifestation, tu n'en parles pas, c'est encore mieux. » 

- « Je vois... »

- « Bon. D'une façon générale, il te faut aussi savoir quel est ton camp.
Il me semble que tu l'as trop souvent oublié, et c'est la raison pour laquelle nous avons dû nous passer de beaucoup de tes dépêches. »

- « Le camp du bien ? »

- « Exactement, je vois que tu commences à comprendre. Le camp du bien. Pour se résumer, voici nos valeurs : elles sont pro-notre bien-aimé-Président-Lumière-de-notre-Siècle-et-Génie-Economique et sa formidable épouse. Plus important encore, il te faut savoir quels sont les méchants officiels. Bachar Al Assad par exemple a systématiquement tort. Tiens : j'ai noté que dans tes dépêches, tu parlais de « l'armée syrienne ». Non ! Il te faut parler de « l'armée de Bachar Al-Assad ». Ainsi, c'est Bachar qui attaque les gentils rebelles et non pas l'armée officielle qui défend son territoire. Et ça change tout. Un autre méchant : Poutine. Lui, alors, il est méchant. Vraiment méchant. Mais il y a encore plus méchant. C'est bien sûr, Trump. Lui, c'est le méchant des méchants. Donc Trump a toujours tort. » 

- « Mais ses résultats économiques, l'immigration illégale en chute libre, son taux de chômage historiquement bas, son coup de pied dans la fourmilière coréenne qui fait bouger les lignes... »

- « Ne cherche pas, quoiqu'il fasse, quoiqu'il dise, il a tort. Crois-moi, coco, notre travail est ainsi bien plus facile. Donc tu parles de sa calvitie mise à jour lors d'un coup de vent, tu insistes sur la valse de ses collaborateurs, tu évoques le passé polémique de Gina Haspel, la nouvelle patronne de la CIA, en omettant de remarquer qu'il s'agit d'une femme pour la première fois nommée à ce poste. Ça viendrait en porte-à-faux avec nos accusations de sexisme envers Trump. Bref, Trump a tort, re-tort, et re-re-tort. C'est tout.
Tu as bien compris ? Si c'est le cas, tu auras peut-être l'immense privilège de faire carrière dans notre Agence qui sera bientôt officiellement le Phare de la Vérité en lutte contre les fake-news, si notre bon Président-bien-aimé nous fait cet honneur. Un phare vers lequel se tourneront tous les médias bien en Cour pour être sûrs de diffuser la bonne parole. Tu perçois la portée de cette mission ? »
- « Oui, une sorte d'agence Tass de l'ère soviétique, en somme. »
- « Oui, euh bon, je ne pense pas que cette comparaison soit opportune, à ce stade de stagiaire qui est le tien aujourd'hui, Martin. Bon, je crois t'avoir dit l'essentiel. Tu peux disposer. »

Une fois la porte refermée sur le stagiaire, le directeur saisit son téléphone et compose un numéro. « La RH ? Vous me mettez un terme au stage de Martin. Oui, dès ce soir. Et vous veillerez à ce qu'il ne soit engagé nulle part ailleurs. Merci. »